Lorsque j’étais journaliste, j’ai travaillé pour Ziff-Davis. Bill Ziff (1930-2006) était un homme extraordinaire. C’était un riche Américain mais aussi un philosophe qui avait étudié en Europe. Lorsqu’il apprit qu’il avait un cancer, il liquida son groupe. Une fois sauvé, il se relança et créa un groupe plus grand. C’est au début de son expansion européenne qu’il m’embaucha. Je ne l’ai rencontré que quelque fois mais je crois qu’il m’a influencé en profondeur.

Longue traîne

Un jour au cours d’un repas où il avait rassemblé son staff européen, il m’a dit en me désignant : « Tu es le seul vrai journaliste autour de cette table. » Pourquoi ? Parce que j’étais le seul qui ne portait pas un costume. C’était une blague. Mais aujourd’hui, à l’époque du web, Bill pourrait dire que, plus que jamais, l’habit ne fait pas le moine. Qui est petit ? Qui est puissant ? Qui sera dangereux ? Très difficile à dire par avance.

En 2005, en France, personne ne connaissait Étienne Chouard et pourtant il joua un rôle considérable lors du référendum européen. En même temps qu’internet facilite l’accès à la parole, mais aussi au business, il devient de plus en plus difficile de savoir qui est son véritable concurrent.

Bande passante

À la fin des années 1980, Ziff-Davis était devenu le plus grand groupe de presse informatique au monde. Bill a façonné des boîtes comme Dell Computer, en leur expliquant comment faire de la publicité efficace dans ses magazines. Un des conseils qu’il leur donnait toujours était d’exploiter tout l’espace papier qu’ils achetaient. « Nos lecteurs veulent des informations, il ne sert à rien de leur montrer des femmes à demi-nues si vous n’êtes pas dans le business de la prostitution. »

Dans les médias classiques, il est très difficile de diffuser une information détaillée. Espace limité sur le papier, temps limité à la radio ou à la TV. Sur internet, c’est tout le contraire. Un spot publicitaire peut durer une heure. Il faut apprendre à prendre son temps.

En politique, en France, François Bayrou a compris cela le premier en accordant des interviews de 3 heures aux blogueurs. C’est en partie comme ça, en développant un discours nouveau, qu’il a semé quelques graines dans les esprits de nos concitoyens ?

Open Source

En 2003, aux États-Unis, Howard Dean nous a montré comment en jouant carte sur table, en dévoilant chacun de ses mouvements à l’avance, notamment ses objectifs financiers, on pouvait atteindre ces objectifs plus facilement et même les faire exploser. Pourquoi ? Parce qu’en étant transparent, on donne les moyens à des gens étrangers à son équipe de collaborer. La transparence est la clé de l’intelligence collective.

Audience vs influence

Dans une structure pyramidale, on compte le nombre de personne dans la pyramide et quand on diffuse un message d’en haut on suppose qu’il peut toucher toute la pyramide.

Dans un monde en réseau, comme est en train de devenir le nôtre, il n’y a pas de sommet, pas de centre, aucune source depuis laquelle on peut arroser toutes les autres. En conséquence, il faut imaginer des méthodes de communication radicalement nouvelles.

En envoyant des messages intelligents sur un réseau (des spots en long-métrage et en open source par exemple), à partir de quelques nœuds seulement, des blogueurs, on peut par ricochet se faire connaître aussi bien, et même bien plus en profondeur, qu’en passant par les médias traditionnels de type top-down.

D’une certaine façon, c’est l’actuel président Sud coréen qui a le mieux réussi ce tour de force grâce à une campagne purement virale en 2002. Dans le business, un des bons exemples, est Microsoft avec MSN Messenger.

PS : J’ai écrit ce texte pour Ad Tech mais j’ai parlé d’autre chose comme d’habitude.