Nicolas Sarkozy a publié vendredi une chronique au sujet d’internet. J’ai apprécié de voir partout le mot liberté, présenté comme une des valeurs essentielles d’internet, pour tiquer de le voir très vite modérer par des mais.

Une mesure m’est apparue comme excellente :

Pour faire le pendant avec l’exonération de charges fiscales et sociales sur les heures supplémentaires, les revenus tirés d’une activité numérique personnelle seront exonérés de charges sociales et fiscales dans une limite à définir. Au-delà, un statut simplifié de micro-entreprise numérique permettra à ces activités de croître et de se développer.

Tous les blogueurs pourraient ainsi plus facilement monétiser leur site. Tous les Français pourraient se lancer dans l’ebusiness maison. Tout cela est très bien, cohérent. J’aurais insisté sur la formation et, surtout, sur le besoin d’une plus grande transparence concernant la publication des données publiques. Pour moi, toutes les données produites par l’État appartiennent aux citoyens. Elles sont toutes du domaine public. En les ouvrant, on favorisera la wikinomics.

N’allez pas croire que je signe le texte.

Dès le début, mon amour de la liberté s’est trouvé agressé. Par exemple :

Les métiers de la culture, en particulier la musique, seront plus que jamais au cœur de ce nouvel environnement et accompagner leur mutation en protégeant leurs spécificités est un enjeu majeur.

Ça veut dire quoi les protéger ? Si on protège les uns, ne réduit-on pas très vite la liberté des autres.

Sans protection des libertés, il n’y a pas de liberté, dit Sarkozy.

Certes. Mais faut-il protéger les géants de la musique et, ce faisant, bloquer l’innovation des auteurs indépendants ? Je suis toujours pour la protection des faibles mais j’ai toujours peur que les forts de s’assurent une protection plus grande qu’ils n’en bénéficient déjà.

La deuxième, c’est qu’internet est et doit rester un espace de liberté. Mais liberté ne signifie pas absence de règles, ni absence de protection contre les risques de dérive d’une société totalement numérisée. La CNIL sera le garant de ces équilibres et je ferai évoluer son statut vers plus d’indépendance et plus de moyens d’action.

La troisième, enfin, c’est qu’internet est un territoire sur lequel il faut savoir anticiper et agir ensemble. Dans cet univers décentralisé, la concertation et l’intelligence collective sont indispensables. Mais notre pays souffre aussi d’une absence de pilotage politique et technique lui permettant de s’affirmer comme une nation qui compte dans le monde numérique. Nous devons nous doter d’une gouvernance d’internet.

Deux « mais » qui m’inquiètent quelque peu après deux débuts de phrase qui ne peuvent que me plaire, surtout après avoir défendu moi-même cette idée d’internet comme territoire.

C’est quoi une gouvernance d’internet ? Internet aujourd’hui fonctionne très bien et de mieux en mieux sans une telle gouvernance qui viendrait en entraver le développement.

Internet a réussi à se développer à une vitesse incroyable parce que justement personne n’a ni pensé ni présidé son développement. Le gouvernement d’internet, c’est l’autogouvernance. Après avoir employé autant de fois le mot liberté dans ce texte, je ne comprends pas pourquoi Nicolas Sarkozy n’est pas capable de franchir cette étape.

Au fond, je crois qu’il veut le pouvoir avant tout. Que l’autogouvernance puisse fonctionner, c’est quelque chose qu’il ne peut admettre. Cette possibilité scie la branche idéologique qu’il chevauche.

Les bons manageurs comprennent pourtant assez vite dans leur carrière que le meilleur management c’est le non-management, c’est de faire confiance.

L’autogouvernance d’internet n’est pas négociable.

J’ai évoqué ce sujet avec Eric Walter, le conseiller internet à l’UMP. Il m’a avoué que ce paragraphe au sujet de la gouvernance n’était pas clair. Il faut entendre la gouvernance de l’action publique sur internet, pas la gouvernance d’internet lui-même. Je respecte Walter, j’espère qu’il saura défendre cette position.