Les producteurs de lait se regroupent pour exiger un prix minimum par litre, quelle que soit la filière de distribution. Pourquoi les auteurs seraient-ils moins bien servis ? Que nos textes soient packagés avec de belles couvertures en carton, du papier ivoire ou au contraire des feuilles râpeuses de petit format ne change rien à ce que nous avons écrit et donc à la rémunération que nous devrions recevoir. Longtemps les éditeurs et les distributeurs ont entretenu la confusion entre l’objet, le livre, et nos textes. La question devient d’autant plus d’actualité quand les objets eux-mêmes deviennent immatériels.

Pour éditer La tune dans le caniveau, nous avons décidé d’imiter les producteurs de lait. Bon, pas tout à fait. Depuis toujours les livres ont circulé de main en main. Nous n’entendons pas freiner ce phénomène avec les livres numériques mais bien le développer pour que prime la circulation de la culture.

Un litre de lait de ne peut pas se dupliquer, un texte oui, indéfiniment. Toute tentative d’empêcher cette duplication revient à introduire artificiellement de la rareté dans une économie qui, au contraire, a besoin d’abondance. En conséquence, nous nous opposons aux DRM et à toute forme de répression du piratage. Le texte sera donc disponible gratuitement pour ceux qui n’ont pas les moyens de le payer ou ceux qui veulent le lire d’abord et le payer après s’ils sont satisfaits.

Cela dit les auteurs et les équipes éditoriales ont besoin de gagner leur vie. Je ne suis pas un défenseur de l’auteur qui vit de ses rentes ou des rentes artificielles distribuées par l’État. Le copinage ne m’a jamais intéressé, pas plus que de faire la manche. Si les textes doivent être disponibles gratuitement (et ils le seront de toute façon à cause du piratage), ils doivent aussi être vendus.

Quand un auteur vend un livre papier 20 €, il touche souvent 1,50 €. Après diverses simulations, nous avons fixé le revenu souhaité par exemplaire à cette valeur hors taxe (on l’appelle PT pour prix team). Elle sera répartie entre tous les membres de L’expérience inédite. Une fois cette somme PT définie, il restait à déterminer le prix des livres PV (pour prix de vente). Alors les choses se compliquent.

Paypal

Sur mon blog et chez Numériklivres, La tune dans le caniveau sera vendue en direct à travers Paypal qui récupère 3,4% des transactions plus un fixe de 0,25 €. Par ailleurs, comme nous diffusons un texte électronique et non papier, nous sommes assujettis à une TVA de 19,6% (voici comment on favorise l’innovation en France). On arrive à une petite équation :

PT=PV-PV*3,4%-PV*19,6%-0,25

Connaissant PT, il est facile d’obtenir PV. Si PT=1, PV=1,62. Si PT=1,5, PV=2,27. Si PT=2, PV=2,92. À ce stade, nous hésitions encore sur la valeur de PT. Un texte vendu moins de 3 €, ça reste acceptable.

Apple iBookstrore

La tune sera aussi disponible sur de nombreuses plateformes, dont celle d’Apple qui se réserve une marge de 30%. Nous avons alors une nouvelle formule.

PT=PV-PV*30%-PV*19,6%

Si PT=1, PV=1,98. Ce prix nous est apparu trop proche du prix minimal que nous pouvions proposer en direct, soit 1,62 €. Notre idée est de favoriser la source, le producteur et l’éditeur. De fidéliser les lecteurs. Il faut dont un différentiel de prix. Vu les contraintes imposées par Paypal, nous sommes donc obligés de passer PT à 1,50 €. Ainsi le prix chez Apple grimpe à 2,98 €.

Amazon

Je croyais naïvement qu’Amazon s’était aligné sur Apple pour ses conditions de vente. Quelle désillusion. Tout dépend où se trouvent vos acheteurs. Aux États-Unis et au Royaume-Unis, Amazon s’accapare 30 % des revenus, tout en imposant un fixe en fonction de la taille des fichiers (ils ont le culot de faire payer la bande passante). En revanche, si vous achetez d’ailleurs, Amazon récupère pas moins de 65 % ! Autant dire que c’est du vol (une situation qui changera sans doute avec la disponibilité du Kindle en France). La nouvelle équation est terrible.

PT=PV-PV*65%-PV*19,6%-0,04 (bande passante)

Cela nous amène à un prix de vente de 10 euros ! Ridicule, nous l’avons fixé à 9,99 $ (maximum autorisé par Amazon si on veut bénéficier des 70 % de royaties en US et UK), soit 7 €, tout en espérant que personne n’achètera le texte dans ces conditions.

immateriel.fr

Numériklivres est redistribué sur les autres plateformes numériques par immateriel.fr qui charge 35%.

PT=PV-PV*35%-PV*19,6%

Nous obtenons, un prix public de 3,30 euros.

Papier A5

la-coop.org diffusera la version papier sur son site et aussi dans quelques librairies. Comme l’idée de débourser de l’argent avant d’en gagner ne nous séduit plus (refus du principe d’investissement monétaire), nous nous appuierons sur l’impression à la demande et sur une cinquantaine d’exemplaires gérés en flux tendu. Première formule pour le livre en direct chez lulu (et plus tard chez Amazon).

PT=PV-PV*5,5%-5,6 (prix de fab)-3,99 (prix du port)

Soir un livre à 11,74 € port compris. Il sera plus tard disponible autour de 9 € chez Amazon qui ne fait pas payer le port mais prend une marge supplémentaire.

Si la-coop.org commande 50 exemplaires, elle les touchera pour 107 € port compris, soit 2,14 € l’exemplaire.

PT=PV-PV*5,5%-2,14 (prix de fab) -1,45 (prix du port)

Nous obtenons un prix de 5,39 €. En librairie, l’équation se transforme encore.

PT=PV-PV*5,5%-2,14 (prix de fab) -PV*35% (remise libraire)

Nous obtenons un prix de vente en rayon qui sera de 6,12 €. Nous alignerons dessus le prix de vente de la-coop.org pour ne pas contrevenir à la loi sur le prix unique du prix papier.

Bilan

Sur mon blog, vous allez bientôt découvrir un formulaire de vente pour acheter La tune dans le caniveau. Une gamme de prix vous sera proposée. Nous avons arrondi (notamment parce que Apple impose des tranches et qu’on ne peut pas fixer des prix arbitraires).

Si vous m’avez lu jusque là, vous avez du courage et sans doute vous vous posez les mêmes questions que nous. Si vous avez des remarques, des suggestions, n’hésitez pas à les partager. Bien entendu sur les 1,50 € touchés par exemplaire, il faudra défalquer les impôts et autres taxes, mais c’est inutile de les prendre en compte, car ils sont inhérents à toute activité commerciale.