Un article de Zilbertin, un billet chez Seb Musset, un ici même, rebond chez Guy Birenbaum, puis Benoît Raphaël, Romain Blachier, d’autres… Tout ça avec une vitalité d’antan qui n’arrive pas à me faire changer d’avis au sujet de la blogosphère.

J’ai écrit des livres avant de devenir blogueur. Je le suis devenu parce que cette écriture se jouait sur un autre plan : interactivité, interdépendance, instantanéité, cyborisation, glissement éthique… Quand les éléments de ce plan perdent de leur intensité, j’ai l’impression qu’en moi le blogueur et l’auteur fusionnent, ce qui pour moi n’a aucun intérêt. Je veux développer des écritures différentes.

Tu as raison Benoît, il existe de plus en plus de blogs. Tu as raison Seb, certains blogueurs ont de plus en plus de lecteurs. Je n’ai pas dit le contraire. C’est sur une idée de la blogosphère, œuvre collective, que je m’interroge, parce que dans ce collectif se fabrique notre modernité.

Qu’il existe des voix formidables qui jouent en solo comme le rappelle Guy, oui, mais quoi de neuf ? OK, nous avons des auteurs sur le Net. C’est bien, on ne va pas s’extasier, non plus, de la télévisualisation de NOTRE média, du fait que pour chiffrer on parle des mêmes choses qu’à la TV, ces abrutis de politiciens de droite et de gauche, ces chanteurs faits en un jour, ces starlettes déshabillées, ces papes qui démissionnent et ces écrivains qui, surtout, n’agitent pas la moindre idée neuve.

Oui, Guy, j’aspire à un « big band », quelque chose qui amène notre intelligence collective ailleurs, qui lui donne le moyen de résoudre des problèmes jusqu’alors insolubles, de créer des œuvres impensables. J’ai cru un instant que la blogosphère contribuait à cette utopie. Alors, oui, sans doute je perds espoir en mon internet comme le remarque Cyroul.

Je vois des choses formidables par endroits, des blogosphères dans la blogosphère comme dans Les vases communicants, mais rien de global, plus d’auto-organisation flamboyante où je sens vibrer une intelligence surhumaine. Oui, Seb, elle changera le monde, sinon il sombrera.

Je suis peut-être devenu sourd à tout cela. Je garde pourtant la certitude que c’est en échangeant, en discutant, notamment avec ceux que nous ne comprenons pas, que nous avons toutes les chances d’inventer du neuf.

Sur DCDC cette semaine, je suis revenu sur mon expérience de déconnexion. Je me suis reconnecté voilà dix-huit mois et je n’ai pas retrouvé le goût pour les réseaux sociaux. J’y vois tantôt discussion de comptoir, tantôt personal branding. Guy s’est récrié que je passais à côté du partage.

Quand des enfants partagent des bonbons, c’est un pour chacun. Partager, c’est renoncer à quelque chose pour soi. Quand un blogueur partage un article, il donne souvent des heures de travail. Quand un développeur offre un code, encore une fois il partage du temps. Quand on partage sur les réseaux sociaux, ce n’est plus que des clics (et des claques), tout ça à la gloire du partageur.

Alors j’ai osé dire que je n’allais plus sur les réseaux sociaux que pour faire mon marketing. Et ceux qui se défendront de pratiquer cette stratégie risquent bien d’être les plus habiles personal brandeur (ne pas lire branleur) qui soient, parce qu’ils s’ignorent. Partager, c’est donner de soi. C’est se déchirer. Et je ne suis pas masochiste. Sans prise de risque, nous ne nous dépasserons pas.

Nous avons inventé le Net pour engendrer des blogueurs, pas des auteurs solitaires, chacun dans sa bulle, parfois pointant le nez dans un café ou dans un club. Le blogueur n’existe qu’au cœur d’une blogosphère. S’il rêve d’une carrière solo, il doit renoncer à son titre et s’en trouver un de plus ronflant.