Chaque année, il se vend un peu moins de livres : -2,7 % en 2013 par rapport à 2012. Le plus inquiétant, c’est la concentration des achats sur les têtes de gondole. On avait espéré le contraire avec l’arrivée des librairies en ligne. Chris Anderson avait théorisé l’avènement de la longue traîne. Un étalement des ventes sur des millions de références avec une perte de vitesse pour les best-sellers. On assiste au phénomène inverse. La courbe s’est certes allongée, mais elle s’est creusée démesurément. On a quelques titres qui vendent énormément, puis tous les autres qui se disputent des miettes.

On devait passer de la courbe bleue à la courbe rouge, le contraire se produit.
On devait passer de la courbe bleue à la courbe rouge, le contraire se produit.

Conclusion : les lecteurs sont de plus en plus moutonniers, de moins en moins curieux. Et Chris Anderson s’est trompé pour au moins quatre raisons :

  1. De par leur structure fractale, les réseaux favorisent les vainqueurs. Plus je gagne, plus je gagne.
  2. Les librairies en ligne permettent de tout acheter, donc de créer une longue traîne, mais les gens n’achètent que ce que leurs amis leur recommandent dans les réseaux sociaux, ce qui favorise les textes faciles à promouvoir, donc les best-sellers (et cela en ligne ou hors ligne).
  3. Les librairies en ligne pèsent pour moins 20 % du marché (et les meilleures ventes y sont les mêmes qu’ailleurs).
  4. Une technologie ne peut nourrir la curiosité que si les lecteurs sont curieux. En elle même, la technologie ne change pas l’homme.

Les 1,1 % de part de marché pour le livre électronique suffisent à démontrer le suivisme des lecteurs français. Comme ils ne lisent en majorités que les best-sellers, ils n’ont aucun intérêt à passer au numérique.

  1. Les best-sellers sont en France presque aussi chers en numérique qu’en papier.
  2. Le numérique permet de sortir des sentiers battus, mais tout le monde s’en moque.

Ce constat sur le livre est politiquement inquiétant. Les gens aiment le populaire et ils sont suiveurs. Nos rêves d’une société plus auto-organisée avec des citoyens plus responsables étaient utopiques. Disposer de la techno ad hoc n’est qu’une condition nécessaire et en aucun cas suffisante.

Si nous ne voyons rien changer dans la consommation culturelle, nous n’avons pas à espérer des lendemains qui chantent. À moins que la consommation culturelle ait totalement échappé aux domaines traditionnels. Que le livre ne reflète que la consommation de la part la plus âgée de la population. Les plus jeunes sont peut-être déjà ailleurs. Où, je ne vois pas, sinon encore dans d’autres best-sellers, d’autres têtes de gondole.

Un changement de société ne se produira qu’avec l’apparition d’une longue traîne qui signera la diversification des goûts et des opinions. Que faire en attendant ? Profiter de la vie et cesser de la rêver autre qu’elle ne l’est.

Le Net nous a conduits à un état antérieur de la diversification sociale.

Le billet se continue… en un long post scriptum.

PS : Le même phénomène est observé dans la musique…