Après mes deux billets sur le crowdfunding, on m’écrit « Tout système de fundraising suppose des coûts (même l’organisation d’une galette). » Je vais aller plus loin…

Ulule
Ulule

Amener les enfants à l’école suppose aussi des coûts, les habiller, les nourrir, leur apprendre à compter et à lire, les divertir, les amener au sport… Et à la maison, faire le ménage aussi suppose des coûts, faire la cuisine, laver le linge, le ranger. Et au club de sports, où je laisse les enfants, les entraînements supposent aussi des coûts, et au club du troisième âge aussi il y a des coûts. Personne ne nie l’existence des coûts. Simplement, il existe deux sortes d’hommes et de femmes, ceux qui acceptent d’offrir leur temps à la communauté, ceux qui ne l’acceptent pas.

Quand j’écris ce texte, je pourrais faire autre chose et gagner de l’argent, écrire un article pour un journal ou un magazine, ou monter un site comme on me le demande souvent. Je choisis d’offrir. Et je peux le faire parce que d’autres bénévoles ont créé WordPress avec lequel je publie. Et parce que Linux aussi a été offert, qui héberge mon WordPress. Et aussi le Web qui a été offert par Tim Berners-Lee. Ce n’est pas parce que tout travail (au sens le plus élémentaire de dépense d’énergie) implique un coût qu’il faut le facturer. C’est une simple possibilité, pas une obligation.

Et c’est parce qu’effectivement tout travail a un coût que je milite pour le revenu de base, un revenu inconditionnel pour tous qui reconnaîtrait toutes ces tâches qui ne sont pas aujourd’hui rémunérées et qu’on estime représenter 70 % du travail total.

En attendant, il existe toujours la possibilité d’offrir son temps. À sa famille, à sa communauté, à sa ville, à son pays, au peuple du Net. La levée de fonds n’échappe pas à cette possibilité, notamment quand elle se fait pour soutenir des projets pour la communauté. Si vous estimez que c’est impossible, cessez immédiatement d’utiliser pour vos plateformes de crowdfunding des logiciels libres. Cessez tout de suite ou payez, faites immédiatement un don. Vous voulez débattre du sujet. C’est la première question que je vous poserai, et je la pousserai loin, jusqu’à vos couches-culottes jadis pleines de merde. Oui, tout travail a un coût, mais pas à n’importe quel prix.

Va pour un système au pourcentage pour le crowdfunding de projets business, si vous rémunérez le libre que vous utilisez. C’est votre problème, votre salade, débouillez-vous entre entrepreneurs, mais je suis plus inquiet quand vous soutenez de jeunes artistes. Parce que tout travail a un coût, à commencer par le coût de l’apprentissage, le coût de surmonter les premières difficultés, le coût des premiers échecs. Comme l’a remarqué un commentateur, écrire La Recherche nécessitait de se planter avec Jean Santeuil.

Le crowdfunding, qui selon certains impliquerait systématiquement un coût, a souvent pour unique but de réduire à néant des coûts anciens, ceux de la maturation, parfois nécessairement lente, d’effacer son coût en le convertissant en devises. C’est un cadeau empoisonné fait aux créateurs. Pour quelques-uns qui écloront plus tôt, mais quelle importance que le temps en ce domaine, la plupart risquent de se griller, d’échouer publiquement et honteux de renoncer à jamais, alors qu’ils sont, peut-être en puissance, les véritables créateurs de demain.

Je ne prétends pas que le début d’une vie de créateur doit être difficile pour être plus tard florissante. Simplement, je suis persuadé qu’il n’existe aucun raccourci vers la maturité, illusion que représente pour beaucoup aujourd’hui le crowdfunding, qui devient alors comme un symptôme du détestable jeunisme de notre société.

Certaines choses exigent du temps, And she said par zilverbat.
Certaines choses exigent du temps, And she said par zilverbat.