Après le succès du Geste qui sauve, Didier Pittet et l’Université de Genève m’ont proposé d’écrire un livre de vulgarisation sur la résistance aux antibiotiques, un problème croissant dans les hôpitaux, en partie induit par le mauvais usage des antibiotiques.

Petit retour en arrière. Bien d’autres auteurs auraient pu vulgariser l’hygiène des mains et raconter l’histoire de la solution hydro-alcoolique. En 2013, je me suis choisi cette mission parce j’ai connecté la libre distribution de la formulation du gel et la grande famille du libre. Je me suis alors lancé dans un récit autant politique que médical, autant humain que philosophique, avec à son cœur une défense de ce que j’ai appelé l’économie de paix.

Une remarque. Plus on se désinfecte les mains, moins on propage les infections et plus on diminue l’usage des antibiotiques. La relation est donc évidente entre mon premier livre et celui qui s’annonce. Toutefois le sujet est plus diffus. Il s’agit de traiter d’un problème sanitaire global et non d’une innovation, de raconter une crise en germe et non l’histoire d’un homme, de vulgariser les bons usages et d’accroître le niveau de conscience de tous, à commencer par celui des jeunes.

À partir de là, tout est possible. Un essai ? Je n’ai ni la légitimité ni l’envie. Une histoire vraie ? Je n’ai découvert que des histoires particulières qui ne me permettent pas de traiter de l’ensemble de la problématique. J’ai tourné et retourné toutes les possibilités au fil de 2015.

En juin, j’ai eu la chance de passer une semaine en compagnie de quelques-uns des plus grands spécialistes de la résistance, réunis tout d’abord à Annecy par la fondation Mérieux, puis à Genève lors du congrès ICPIC. Plusieurs d’entre eux m’ont avoué avoir tenté d’écrire des romans sur le sujet, des sortes de polars où le criminel n’est autre qu’une bactérie. J’ai moi aussi vite conclu que ce terrain était le plus favorable. Écrire un roman destiné aux jeunes, une teen fiction/young adult. En même temps, j’ai pensé à État d'urgence, le roman de Michael Crichton publié en 2004, non pour sa thèse climato-sceptique, mais pour son abondant usage des notes scientifiques (et de la possibilité d’écrire un thriller pédagogique).

Voici mon défi pour cette année : séduire les jeunes avec une fiction divertissante (mais néanmoins scientifiquement riche). Sur Wattapad, j’ai constaté que mes minutes étaient trop peu orthodoxes dans leur structure narrative pour séduire un public plus curieux d’histoires que de littérarité. Je renoncerai donc à l’innovation formelle, ne m’autorisant de jouer que sur le rythme de la langue, les idées médicales et politiques.

Mais je suis incapable de renoncer totalement à l’expérimentation. Au cours de l’histoire, comme dans un jeu de rôle, je ferai jouer aux spécialistes de la résistance leur propre rôle. Je glisserai leurs voix dans le roman. Je leur soumettrai mes chapitres, leur demandant ce qu’ils feraient dans la situation fictive imaginée par Didier Pittet et moi.

Le pitch de l’histoire est simple : « Le monde se réveille malades. Personne n'échappe à l’agent X, sauf quelques filles et garçons mystérieusement épargnés. On les appelle bientôt les Résistants. Les adultes étant hors course, les résistants ont quelques jours pour résoudre cette crise. Tic-tac, tic-tac, le chrono tourne. »

couv-resistants
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J’aime ce mot « Résistants ». Outre son background politique, plus que jamais à rappeler, il décrit à la fois les héros humains et les pathogènes résistants aux antibiotiques. Deux formes de résistance s’opposeront, chacune en quelque sorte luttant pour sa survie. Au-delà du côté médical, la métaphore m’intéresse.

Au fil de l’écriture, je publierai mes chapitres sur Wattpad. Plus tard, le texte final sera distribué en Creative Commons sur les mêmes modalités que Le geste qui sauve, l’objectif étant de diffuser les premiers exemplaires à l’occasion de l’ICPIC 2017.

Et le blog dans tout ça ? J’ai prévu d’y parler de l’avancement du projet, de mes impressions, sans pour autant y diffuser les chapitres du roman. Pour lire, il faudra suivre les liens (ou s’abonner à ma newsletter). L’année dernière ça ne me plaisait pas de diffuser sur le blog les minutes, ce push me paraissait déplacé, à contre temps. Peut-être que cette année j’éprouverai l’impression inverse et en serai frustré (je pourrai toujours changer d’avis). À ce stade et contrairement à ce que je fais pour mes articles, il me paraît important de confiner le texte en un lieu unique tout au long de son élaboration (Wattpad représentant un isolement tout relatif).

Bien sûr si les jeunes lecteurs très nombreux sur Wattpad n’accrochent pas, il me faudra recommencer, changer d’angle. Je finirai, j’espère, par trouver une solution… et sinon j’aurais échoué, mais impossible de m’en prendre à quelqu’un d’autre. L’audience est là, disponible, prête à lire. Pour une fois, je n’ai pas pour ambition de faire entrer mes lecteurs dans mon univers. Je fais un pas vers eux. Si j’échoue, je passe à côté de l’objectif pédagogique du livre. Je prends cet exercice comme un nouveau jeu de contraintes.

Le premier chapitre sur Wattpad…

Et si vous n’êtes plus tout jeune comme moi, lisez tout de même… par Teen Fiction, j’entends avant tout une histoire jouée par des jeunes… Vous allez apprendre des tonnes de trucs (et moi aussi).