Je propose un théorème : Si un livre ne marche pas chez cinq libraires motivés pour le vendre, il ne marchera jamais dans des centaines moins motivés.

En corollaire, le modèle actuel de l’édition est complètement fou. Il s’agit de mettre des livres partout dans l’espoir qu’en multipliant les points de vente on multipliera les ventes. Multiplier zéro par zéro n’a jamais fait autre chose que zéro.

Donc, inutile de sortir des livres à grandes échelles, à moins d’avoir par avance la certitude de leur succès. On peut tester tous les autres en numérique et en papier chez quelques libraires. Au bout de quelques semaines, il est alors facile de savoir s’il y a de la place pour une diffusion nationale ou pas.

Tester en numérique ne paraît pas suffisant, audience trop étroite en ce moment. Pas plus que tester sur son audience native, par exemple celle d’un blog. C’est un test biaisé. Ce genre d’expérience ne peut être tentée qu’en partenariat avec les libraires, et plutôt en direct par les auteurs que par les éditeurs.

Les libraires partenaires pourraient utiliser les tests pour leur promo. Annoncer des exclusivités. Organiser des rencontres avec les auteurs. En cas de succès à petite échelle, un éditeur partenaire pourrait généraliser la diffusion. Il est absurde de lancer un produit en grand quand il est possible de le tester, surtout quand il s’agit d’un produit à faible marge comme le livre dans un domaine aussi concurrentiel que l’édition.

Ce serait plus cool pour les auteurs de commencer à chercher des libraires pour effectuer des tests, puis en cas de réussite de chercher des éditeurs. Mais je vois déjà un écueil sur ce dernier point : il y a en France plus d’éditeurs (environ 10 000) que de librairies (environ 3 000) ! C’est une anomalie. Comme s’il y avait plus d’auteurs que de lecteurs (ce qui n’est pas loin d’être le cas).

Ce passage par le test ne simplifierait en rien le travail des auteurs, mais il éviterait la gabegie de papier et participerait à nouer des liens solides entre libraires et auteurs. Ce serait une façon de transformer l’économie du livre en économie durable, de minimiser les pertes et de maximiser les échanges.