Thierry CROUZET

La fin des héros politiques

Dans Le peuple des connecteurs, j’ai essayé de montrer que plus la société se complexifie plus l’exercice du pouvoir devient difficile. Je viens de découvrir une conséquence de cette proposition.

Les grands hommes politiques : Alexandre, Napoléon, Churchill, De Gaulle... se révèlent souvent, presque exclusivement, durant les conflits ou les catastrophes parce que, à ce moment, tous les hommes d’un camp agissent comme un seul homme : ils dessinent une structure sociale d’une simplicité qui rend possible l’exercice d’un pouvoir central.

Réciproquement, plus la paix s’installe, plus la complexité augmente, plus l’exercice du pouvoir devient difficile, moins il y a de place pour de grands hommes. L’espèce d’apathie politique dans laquelle nous vivons n’est donc pas surprenante.

PS : Maintenant que la société est hypercomplexe, maintenant que les grands hommes publics ne peuvent qu’être rares, nous ne pouvons plus ignorer l’importance des connecteurs, des hommes libres. Plus que jamais, c’est par eux, par nous, que l’avenir se construit. Plus aucune idole n’occultera notre rôle historique.J’aime comparer notre société à un tas de sable. Il y a des grains agrégés les uns aux autres qui ne peuvent que bouger ensemble. Ils forment de gros cailloux. Il y a d’autres qui peuvent glisser à la moindre impulsion. Ce sont les connecteurs, les hommes libres.Le tas se forme par une accumulation de grains agrégés et de grains libres. Parfois un nouveau grain déclenche une avalanche, un évènement dans l’histoire du tas, ce grain n’est pas plus important que tous les autres grains libres qui ont fluidifié la structure. L’histoire retient son nom par facilité (le pire, souvent, ce grain dit grand n’a fait que ramasser les lauriers alors qu’il n’a rien fluidifié par lui-même).J’ai l’espoir que les grains libres deviendront de plus en plus nombreux. Que le monde ne sera bientôt plus composé que d’hommes libres.

Casabaldi @ 2006-03-07 12:26:27

aux inconnu(e)s, la patrie reconnaissanteTrès juste , mais... tout dépend de ce que tu appelles un "grand homme".

Je prends quelques exemples ; tu parles de Napoleon, Churchill, De Gaulle. OK. QUe s’est-il VRAIMENT passé d’important à ces moments là, à l’échelle de l’humanité ?

Pendant que Napo partait en campagne (dont il ne reste pas grand chose), découpait des départements en France et écrivait le code civil (certes...), cette époque là était celle de l’arrivée de l’idée démocratique dans le monde et de l’abolition de l’esclavage..

Politiquement, ce n’est pas rien. Qui l’a fait ? Principalement des inconnus. Et sans doute, ceux que tu appelles des "connecteurs" et moi des "hommes libres".

Pour ce qui est de l’esclavage, nos historiens ont retenu le nom de Victor Schoelcher. Très bien. Mais en fait ? Qui a réellement aboli l’esclavage ? Quelques hommes dont nous ne connaissons pas les noms. Quelques esclaves qui se soulèvent à St Domingue, déclarent leur liberté et leur indépendance et foutent alors une trouille terrible aux colons du reste du monde.

Voilà des "grands hommes".

Tu peux faire pareil pour Churchill et De Gaulle. On retient leur nom à eux, entre autres parce que c’est plus simple. Mais ils sont évidemment, devancés, entourés, motivés, manipulés (?), parfois combattus, par des centaines d’inconnus. Ces deux noms ne sauraient résumer (pour ne citer que celà) la résistance et la décolonisation...

L’une comme l’autre sont au contraire l’oeuvre, là aussi, de centaines d’inconnus qui auront su penser avant et plus loin.

Pour arriver au "Je vous ai compris" de De Gaulle à Alger, il faut d’abord des milliers d’opposants à la colonisation. Et les premiers s’expriment dès l’invasion de l’Algérie par les troupes françaises (près d’un siècle avant !), au moment où un certain Tocqueville aligne discours sur discours à l’assemblée pour faire l’éloge de cette invasion et, avec elle, de l’avancée du "progrès" ! On nous présente aujourd’hui ces idées comme ayant été "dans l’air du temps". Il y aurait eu un "consensus", et "tout le monde" aurait été "pour". C’est faux !

Des gens, avait, dès cette période là, conscience de l’horreur de ce qui était en train de se passer. Que ce qu’on appelait déjà des "camps de concentration" (véridique...) était une insulte à l’humanité. Ces gens existaient. Ceux qui arrivent à s’extraire de "l’air du temps".

Et je crois que ce sont eux qui font vraiment avancer les choses. Même si "on" ne retient finalement les noms que de quelques chefaillons de pacotille, qui, pour la plupart, sont juste passés à côté de l’essentiel.

Ces gens ont toujours existé. Ils existent toujours. Ce sont les hommes libres.

tcrouzet @ 2006-03-08 20:05:19

Réponse au lieutenant

Je suis d’accord avec toi. Maintenant que la société est hypercomplexe, maintenant que les grands hommes publics ne peuvent qu’être rares, nous ne pouvons plus ignorer l’importance des connecteurs, des hommes libres. Plus que jamais, c’est par eux, par nous, que l’avenir se construit. Plus aucune idole n’occultera notre rôle historique.

J’aime comparer notre société à un tas de sable. Il y a des grains agrégés les uns aux autres qui ne peuvent que bouger ensemble. Ils forment de gros cailloux. Il y a d’autres qui peuvent glisser à la moindre impulsion. Ce sont les connecteurs, les hommes libres.

Le tas se forme par une accumulation de grains agrégés et de grains libres. Parfois un nouveau grain déclenche une avalanche, un évènement dans l’histoire du tas, ce grain n’est pas plus important que tous les autres grains libres qui ont fluidifié la structure. L’histoire retient son nom par facilité (le pire, souvent, ce grain dit grand n’a fait que ramasser les lauriers alors qu’il n’a rien fluidifié par lui-même).

J’ai l’espoir que les grains libres vont devenir de plus en plus nombreux. Que le monde ne sera bientôt plus composé que d’hommes libres.

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