Dans Le peuple des connecteurs, j’ai essayé de montrer que plus la société se complexifie plus l’exercice du pouvoir devient difficile. Je viens de découvrir une conséquence de cette proposition.

Les grands hommes politiques : Alexandre, Napoléon, Churchill, De Gaulle… se révèlent souvent, presque exclusivement, durant les conflits ou les catastrophes parce que, à ce moment, tous les hommes d’un camp agissent comme un seul homme : ils dessinent une structure sociale d’une simplicité qui rend possible l’exercice d’un pouvoir central.

Réciproquement, plus la paix s’installe, plus la complexité augmente, plus l’exercice du pouvoir devient difficile, moins il y a de place pour de grands hommes. L’espèce d’apathie politique dans laquelle nous vivons n’est donc pas surprenante.

PS : Maintenant que la société est hypercomplexe, maintenant que les grands hommes publics ne peuvent qu’être rares, nous ne pouvons plus ignorer l’importance des connecteurs, des hommes libres. Plus que jamais, c’est par eux, par nous, que l’avenir se construit. Plus aucune idole n’occultera notre rôle historique.

J’aime comparer notre société à un tas de sable. Il y a des grains agrégés les uns aux autres qui ne peuvent que bouger ensemble. Ils forment de gros cailloux. Il y a d’autres qui peuvent glisser à la moindre impulsion. Ce sont les connecteurs, les hommes libres.

Le tas se forme par une accumulation de grains agrégés et de grains libres. Parfois un nouveau grain déclenche une avalanche, un évènement dans l’histoire du tas, ce grain n’est pas plus important que tous les autres grains libres qui ont fluidifié la structure. L’histoire retient son nom par facilité (le pire, souvent, ce grain dit grand n’a fait que ramasser les lauriers alors qu’il n’a rien fluidifié par lui-même).

J’ai l’espoir que les grains libres deviendront de plus en plus nombreux. Que le monde ne sera bientôt plus composé que d’hommes libres.