Andreï Tarkovski vécut en URSS sous le joug communiste. Il réussit malgré toutes les difficultés à y créer ses chefs-d’œuvre (Andreï Roublev 1966, Solaris 1972, Le miroir 1974 et Stalker 1979).

En 1984, alors qu’il vit en Europe depuis deux ans, il annonce qu’il ne retournera jamais en URSS. Pourtant, dans son journal, livre que tous les amoureux de cinéma, et surtout de liberté, devraient lire, il explique qu’il ne trouve pas les Européens plus libres que les Russes. Les Européens disposent de la liberté mais ils n’en usent pas. Au contraire, les Russes vivent sous une dictature mais ils profitent de toutes les bribes de liberté qui leur sont accordées.

Alors sommes-nous vraiment libres dans nos démocraties ? La liberté n’est-elle pas avant tout un état d’esprit ? Casabaldi définit la liberté comme le choix de la responsabilité. Pour lui, il faut choisir d’être libre. Une fois ce choix fait, nous ne pouvons plus accuser les autres de ce qui nous arrive, de ce qui arrive dans le monde. Si nous sommes malheureux, nous devons dès lors nous en prendre à nous-mêmes et essayer de changer les choses par nous-mêmes.

Cette liberté qui vient de nous est sans doute la plus difficile à conquérir. Elle exige beaucoup de courage car personne ne peut nous l’offrir. La liberté ne se gagne pas, elle se décide. Tarkovski, et bien d’autres en URSS, avaient décidé d’être libres. Ils l’étaient effectivement bien plus que la plupart d’entre-nous.

Les hommes politiques actuels et les intellectuels, souvent déguisés en chanteur de variété ou en comique, ne cessent de répéter que la démocratie est le meilleur système car elle garantit nos libertés. En même temps, ils se mettent au-dessus de nous, se jugeant capables de nous représenter, donc nous dépouillant immédiatement de la liberté qu’ils nous ont accordée. Ils sont tous suspects à mes yeux. Ils dévalorisent la liberté, en faisant une banalité alors qu’elle se mérite.

Plus quelqu’un clame que quelque chose est bien plus j’ai tendance à me dire qu’il cherche à me convaincre de quelque chose qui est faux. Car si la chose était si bien, il n’y aurait pas besoin de le clamer. Au cours de l’histoire, moins Dieu était présent dans le cœur des gens, plus le clergé construisait de grandes églises.

On nous clame que nous sommes libres, comme Tarkovski, je crois que nous ne le sommes pas. Nous devons nous emparer de la liberté, décider maintenant d’être libre.

PS1 : Si la liberté ne se décidait pas, les opprimés resteraient éternellement opprimés. La liberté n’est pas le propre d’une classe particulière d’êtres humains, mais le propre de certains êtres humains peu importe leurs conditions de vie. Riches, pauvres, malades, jeunes ou vieux peuvent décider d’être libre. C’est après seulement que le combat pour cette liberté commence.

Un homme libre n’est pas nécessairement un homme bon. Rien ne l’empêche d’exercer sa liberté au détriment de celle des autres. Bien sûr ce n’est pas très satisfaisant, il faut alors essayer de compléter la définition comme j’ai essayé de le faire au sujet de la charte freemen. Pour moi, notre liberté ne doit pas, en s’exprimant, réduire la liberté des autres. Je peux, par exemple, choisir de ne plus travailler mais ce n’est une décision d’homme libre que si je ne suis pas obligé de faire travailler ma femme pour subvenir à mes besoins. C’est caricatural, mais c’est un peu ça.

La responsabilité s’exerce donc vis-à-vis de nous-même pour commencer, puis vis-à-vis des autres, voilà pourquoi nous ne sommes pas seuls. Nous appartenons à un réseau, que nous soyons libres ou pas. Et ce réseau englobe tout ce qui existe dans l’univers, donc notre responsabilité est universelle. C’est une charge écrasante : la liberté coûte cher, beaucoup de gens n’en voudront jamais malheureusement.

Quant à l’avenir, comme il est imprévisible, je crois qu’il ne faut pas en avoir peur. Si je respecte la liberté des autres, il me semble que je n’hypothèque pas a priori leur avenir, notre avenir.

PS2 : Chars ou pas chars, les gens finissent toujours par regagner leur liberté. La résistance a toujours existé. Sans cette résistance, il n’y a aucune raison pour que des gens de l’extérieur viennent apporter leur aide.

Je suis athée. Quand vous me demandez qui nous a fait juge ? Je réponds l’évolution, je réponds nous-même. Il n’y a aucune autre possibilité. C’est cela la liberté ! À qui pouvons-nous nous référer sinon à nous-même, sinon aux autres hommes avec lesquels nous dialoguons ?

L’éthique est un ensemble de règles sélectionnées par l’évolution pour que nous puissions vivre en société. Maintenant que nous sommes libres, c’est à nous de construire et de reconstruire cette éthique. Elle est notre œuvre.