Comme je l’ai déjà expliqué, j’écris en ce moment un roman, Croisade, suite du Peuple des connecteurs. Après m’être amusé à une présentation pastiche, voici le texte par lequel je pourrais commencer mon histoire :

« Chaque fois que nous dialoguons avec quelqu’un, nous faisons circuler entre lui et nous des informations. Depuis la fin du XXe siècle, sous l’impulsion des nouvelles technologies de communication, toutes ces informations qui circulent librement entre chacun de nous constituent un flux d’une ampleur sans précédent qui rappelle le flux des signaux électriques et chimiques dans nos cerveaux. C’est un pas vers l’intelligence globale, vers la conscience collective.

« Si vous lisez ces lignes, vous vous sentez peut-être déjà dépositaire d’une part de cette conscience collective. Vous vous savez membre d’un tout qui vous dépasse, un tout qui unit les êtres vivants à la planète elle-même. Par le passé, seuls les croyants partageaient cette expérience, aujourd’hui universelle.

« Dorénavant, ce qui se passe ailleurs nous concerne. Nous ne pouvons plus laisser faire n’importe quoi. Réciproquement, quand nous découvrons une initiative intéressante, nous voulons pouvoir la reproduire, quelle que soit son origine. C’est une révolution radicale. Mais comme toute révolution, elle engendre ses détracteurs.

« Certains hommes, souvent au nom de grands principes philosophiques, d’autres fois au nom de la tradition, refusent l’idée de conscience collective. Ils veulent maintenir les frontières entre les hommes, qu’elles soient raciales, idéologiques ou religieuses, frontières qui augmentent leur pouvoir tout en niant la liberté des hommes en leur pouvoir. Pour préserver en l’état le monde dans lequel ils sont rois, ou tout au moins confortables, ils ont lancé une croisade contre les animateurs de la conscience collective.

« L’histoire qui va suivre raconte un moment charnière de cette croisade. J’ai adopté le mode romanesque mais le fond de tout ce que je dis est vrai. Dans la réalité, l’héroïne, Kate Hammer, se surnomme elle-même mademoiselle K. Son comparse, le Lieutenant Francesco Casabaldi, est célèbre sur Internet. Ils sont devenus mes amis, ils m’ont fait confiance, j’ai essayé de raconter métaphoriquement leur aventure. J’ai souvent fabulé mais j’ai aussi souvent collé à la réalité historique, plaçant à la fin de l’ouvrage des notes afin d’étayer mes conjectures.

« Une chose est sûre : la croisade contre les animateurs de la conscience collective a commencé. Deux camps se forment, dans chaque nation comme dans chaque famille. Nous devons nous ressaisir si nous ne voulons pas plonger l’humanité dans un nouvel âge de barbarie. En allant les uns vers les autres, en dépassant nos appréhensions, en multipliant les contacts entre nous, nous inventerons une nouvelle société, plus équitable, plus généreuse et plus heureuse. »

PS : La conscience collective est accessible. Nous sommes de plus en plus conscients d’appartenir à un tout parce que nous recevons sans cesse des informations en provenance de ce tout. Nous avons aussi conscience de participer à ce tout, au moins en émettant vers lui des informations.

Une fois conscient de l’ensemble des échanges entre chacun de nous, nous sentons que nous partageons et participons à quelque chose qui nous dépasse. Maintenant, cette chose, cette conscience collective, a-t-elle ou non conscience d’elle-même ? A-t-elle des intentions ? Nous n’en saurons peut-être jamais rien. Il faudrait qu’elle soit capable de s’adresser à nous, ce qui est sans doute impossible vu que nous faisons partie d’elle.