Beaucoup de gens ne croient pas aux thèses exposées dans Le peuple des connecteurs parce qu’ils mettent en doute mon hypothèse initiale : à savoir que la société a atteint un nouveau seuil de complexité. Pour mes opposants, la société est ni plus ni moins complexe qu’avant.

Quand, dans une même journée, je discute avec des gens situés aux quatre coins du monde, je suis incapable de me dire que la complexité n’augmente pas. Quand nous chatons, quand nous voyageons, quand nous publions sur internet, nous devenons des agents de complexification. Nos actions locales deviennent métalocales. C’est une première.

Mes opposants sont tout de même d’accord avec moi quand je dis que nous sommes à l’aube d’une révolution. Tout le monde le sent bien. Mais pour beaucoup, la révolution brouillera les cartes, fera apparaître de nouveaux camps, rien de plus.

J’espère que ce ne sera pas seulement un jeu de chaises tournantes. Si la complexité continue de s’accroître, les camps ne pourront pas se stabiliser. Et même si la complexité atteint un palier, cette complexité sera déjà si supérieure à celle que l’humanité a connue par le passé que les méthodes de contrôle centralisé seront inefficaces. Le nouveau monde s’organisera différemment ou il n’y aura pas de nouveau monde.

Pour ma part, j’analyse toutes les crises du XXe siècle comme des crises de la complexité. La globalisation a commencé par des guerres mondiales avant de devenir une globalisation du business et maintenant de l’information. Le XXe siècle aura été un siècle de transition dans notre histoire. Il aura démontré que les anciens modes de fonctionnement étaient inopérants. Il aura marqué la fin d’une époque. La véritable révolution commence aujourd’hui.

PS : Plus d’interdépendances implique plus de complexité. Ce n’est pas le monde qui est plus complexe, au contraire, on le comprend de mieux en mieux, donc il est plutôt plus simple de notre point de vue. Mais la société que nous construisons, elle, est vertigineusement plus complexe, justement à cause du plus grand nombre d’interdépendances. La multiplication des boucles de feedback maintient la société dans un état de plus en plus critique. D’où la nécessité de nouvelles formes d’organisation.