Un ami dentiste qui en a marre de faire du détartrage aimerait bien se lancer dans une nouvelle activité. Je lui ai conseillé de créer un mashup website.

Comme il n’avait jamais entendu parler du concept, je lui explique rapidement. Tu prends Google Map, tu poses dessus les annonces immobilières publiées par les agences en ligne, au-dessus tu colles les données sur la criminalité publiées par le gouvernement, tu obtiens un site totalement nouveau, qui a une vraie valeur ajoutée. C’est le succès assuré.

Tu n’as pas besoin de créer du contenu, tu remixes le contenu disponible. Le mot mashup qui signifie broyer, écraser, fut d’ailleurs initialement employé pour désigner un nouveau genre musical où les morceaux résultaient du mélange d’autres morceaux.

Mon ami dentiste m’a alors demandé ce qu’il en était des copyrights : « Ces informations appartiennent à des sociétés, il faut bien les payer. » Justement non. Et pour deux raisons.

  1. Sur le web, l’ouverture est essentielle. La plupart des gens utilisent des données ou des morceaux de code créés par d’autres. Il devient alors difficile de poser un copyright sur le fruit de son travail. En fait, les informaticiens font du mashup depuis toujours. C’est dans cet esprit que Google, Yahoo!, MSN… ouvrent leurs API.
  2. Quant aux autres données, leurs créateurs sont souvent heureux que nous les utilisions. Un agent immobilier sera ravi si nous affichons ses annonces sur notre site. Il nous rémunérera même si nous lui faisons faire une vente (c’est le principe de l’affiliation).

Le web a été créé pour le mashup. Le mashup m’apparaît même comme l’essence du web 2.0. Nous ne connectons plus des sites entre eux par des liens hypertextes, mais nous connectons les données entre elles. Nous sommes en train de créer une nouvelle structure au-dessus de celle du web, elle-même apparue comme une nouvelle structure au-dessus d’internet.

À mon sens, l’interconnexion des données nous approchera de la conscience globale. Toutes nos connaissances seront effectivement mises en relation. De leurs mashup jailliront de nouvelles connaissances, de nouvelles prises de conscience. Au cours de ce processus, les copyrights ne devraient pas survivre car il nous deviendra impossible de différencier ce qui est à nous et de ce qui est aux autres. Du coup, je crois que le capitalisme aussi aura du mal en s’en tirer.

PS : Est-ce qu’un auteur peut assurer que son œuvre est 100 % la sienne ? Si un photographe met ma maison sur une de ses images, ne me doit-il pas aussi quelque chose ? Chaque fois qu’un photographe montre quelque chose, il doit quelque chose à l’auteur de cette chose. En musique, c’est pareil. On retrouve des thèmes partout. Un artiste fait du mashup qu’il le veuille ou non. Le résultat de son travail est son œuvre, sans aucun doute, mais ce n’est pas une raison pour empêcher d’autres artistes d’intégrer son travail dans le leur. Le déjeuner sur l’herbe est un thème développé et repris par des dizaines de peintres. En application stricte du copyright, ces variantes auraient jamais été possibles. Si les informaticiens ne faisaient pas du mashup, il n’y aurait pas d’informatique. Quand un auteur cite un autre auteur, personne ne demande l’autorisation à personne. Les écrivains font du web 2.0 depuis longtemps !