Jeudi prochain, je serai à Aix-en-Provence pour la quatrième université de printemps de la Fing. Je participe notamment à l’atelier sur les réseaux sociaux. Voici comment l’organisateur, Daniel Kaplan, a positionné mon intervention :

Thierry Crouzet, vous faites des connexion entre les individus le point de départ d’une forme de théorie politique et économique pour le XXIe siècle, d’une sorte de “révolution silencieuse” enclenchée par la génération numérique, Le peuple des connecteurs. Pouvez-vous nous dire pourquoi ? Quels en seraient selon vous les exemples les plus marquants ?

J’aurai huit minutes pour répondre avant le débat. J’aurai donc juste le temps de présenter quelques grandes idées :

1/ Complexification exponentielle de la société.

Chaque fois que deux individus nouent une nouvelle relation, ils créent un raccourci dans notre structure sociale. Grâce au net, mais aussi aux mobiles, nous dessinons un réseau de plus en plus resserré. Il n’a plus de centre, plus de hiérarchie. C’est une structure plate et non plus pyramidale.

2/ Ce réseau devient ingouvernable.

La complexité du réseau rend toute tentative de contrôle illusoire. La société se maintient dans un état critique à l’avenir totalement imprévisible. La seule solution pour maintenir une cohésion sociale : c’est l’auto-organisation.

3/ L’auto-organisation est universelle.

Beaucoup de gens jugent cette idée utopique mais ils oublient que l’auto-organisation est au centre de la nature. Auto-organisation du système immunitaire, auto-organisation des oiseaux qui volent en flotte, auto-organisation des citoyens d’une ville.

4/ Internet comme modèle d’organisation.

Internet n’a pas été dessiné puis réalisé. Il s’est construit de lui-même, né de quelques graines disséminées. C’est un superbe exemple d’auto-organisation. En absence de gouvernement central, il réussit à prospérer.

5/ Agir localement penser globalement.

Nous sommes les créateurs d’internet. Chacun avec nos moyens, chacun dans notre coin, nous participons à l’aventure globale en nous auto-organisant, les réseaux sociaux étant un des vecteur d’auto-organisation tout comme les blogs ou les forums. J’estime que cette façon de procéder peut s’étendre à la société dans son ensemble. C’est à mon sens la meilleure façon de régler la crise de la complexité à laquelle nous faisons face.

6/ Retour à la dictature.

Si nous ne trouvons pas une solution auto-organisationnelle à la crise de la complexité, deux cas de figures peuvent se produire. Soit nous basculons dans la totale anarchie, soit des gouvernements totalitaires s’imposent un peu partout dans le monde, évitant que cette complexité ne s’aggrave, essayant même de la réduire par tous les moyens. Notre avenir est en train de se dessiner en ce moment.

7/ Alors des exemples.

D’un côté, nous avons les réseaux sociaux qui se développent et les blogs citoyens qui essaient de repenser la société. C’est une tendance évidente à la complexification. D’un autre côté, les gouvernements se durcissent. Sarko n’est pas un tendre, Ségolène non plus, sans parler de Bush ou de Hu Jintao. Toute une génération pense que les choses peuvent partir du bas et remonter, une autre génération pense qu’il faut maintenir un contrôle par le haut. Nous avons d’un côté ceux qui croient à l’avènement d’une conscience globale ; de l’autre, ceux qui la refusent.

PS : Je ne suis pas un découvreur, juste un connecteur. Je mets en relation des idées découvertes par d’autres. Et je m’intéresse aux seules découvertes des sciences objectives. Je n’ai jamais lu un livre de politique de ma vie. Donc si je reprends des choses dites par d’autres, c’est bien malgré moi. J’emploie suffisamment la première personne pour parler en mon nom. Quand je dis nous, c’est nous les gens qui nous sentons connecteurs. Il se trouve que j’en connais quelque uns et que j’en rencontre de plus en plus.