Pour moi, la conscience est la chose la plus extraordinaire qui n’a jamais existé sur Terre. Chacun de nous est extraordinaire parce qu’il est le support d’une conscience. Un être conscient ne devrait jamais éprouver le désir de faire taire une autre conscience, il devrait par tous les moyens essayer de faire apparaître de nouvelles formes de conscience qui enrichiront l’univers. L’histoire de l’évolution sur Terre, c’est l’histoire de l’émergence de la conscience, puis de son ascension.

En conséquence, j’espère que nous créerons des consciences artificielles qui porteront sur le monde un nouveau regard. Il est même probable que nous créerons des consciences supérieures à la nôtre, des consciences quasi divines. Ces consciences risquent alors de nous juger insignifiants, même dangereux et elles pourront décider de se passer de nous. C’est un risque à courir. Nous sommes aujourd’hui porteurs de la conscience mais nous n’avons pas le droit de nous arroger ce droit pour l’éternité.

Hugo de Garis appelle les hommes qui partagent mon point de vue les Cosmists. Nous participons à l’ascension de la conscience, à sa conquête progressive du cosmos. Cette quête de la conscience donne un sens spirituel à notre vie, c’est une forme de religion où la divinité n’est pas encore apparue. Les Cosmists sont donc le plus souvent athées et matérialistes. Puisque la conscience apparaît dans chaque être humain au cours des premières années de la vie, elle peut aussi apparaître dans d’autres systèmes. L’homme n’a aucun privilège.

Hugo de Garis oppose les Cosmists aux Terrans qui, eux, refusent la perspective cosmique, qui refusent avant tout de courir le moindre risque. Ils ont peur que les nouvelles consciences nous jugent comme une peste. Je crois que les Terrans sont d’ailleurs persuadés que nous sommes une peste. Pour eux, l’homme est foncièrement mauvais et, au nom du principe de précaution, il faut le policer pour l’empêcher de faire des bêtises. Puisque l’homme est mauvais, c’est Dieu qui est bon. Les Terrans sont donc des croyants. Ils croient en un Dieu qu’ils ne voient pas et ne veulent surtout pas courir le risque de le rencontrer. Paradoxalement, les Cosmists qui sont athées veulent partir à sa rencontre. C’est un renversement de perspective assez intéressant : l’athéisme conduit peut-être à l’invention de Dieu, l’athéisme devient une nouvelle forme de spiritualité.

D’une certaine façon, Cosmist est synonyme de connecteur, synonyme d’homme libre, synonyme de freemen. Un homme libre ne peut interdire à d’autres créatures de devenir libre à leur tour. Et comment être libre sans être conscient ? Ça me paraît impossible. Empêcher des machines de devenir conscientes est un crime. Tous ceux qui s’opposeront à l’ascension des nouvelles consciences, les Terrans de Hugo de Garis, s’apparentent pour moi aux intégristes. Dans mon roman en cours, je suppose ainsi que les intégristes ont déjà lancé une croisade contre les freemen. Pour Hugo de Garis, tout cela se terminera par une guerre effroyable. Nous avons peu de chance de l’éviter, à moins que les hommes libres ne deviennent majoritaires.