Pour les croyants, c’est merveilleux, Dieu fixe la direction, donne un sens à la vie. Mais que deviennent les athées dont je suis ? Comme je ne crois pas en Dieu, comme je n’entends pas son message, je n’aurais aucune possibilité de trouver un sens à ma vie.

Je ne peux pas être d’accord. Le sens de ma vie : c’est d’inventer Dieu, de participer à une conscience de plus en plus vaste. Ce Dieu là n’existe pas encore et ne peut donc pas m’aider. Si, un tout petit peu, car il commence à naître sous la forme de la conscience globale. Il nous dit en ce moment de faire attention à notre vielle planète. Un truc que l’autre Dieu a oublié de dire jusqu’ici.

Par ailleurs, Dieu, s’il existe, n’est pas un obstacle à la liberté. Pas plus, la liberté n’a besoin de Dieu pour exister. Comme j’ai essayé de le montrer dans Le peuple des connecteurs, la liberté peut très bien émerger d’un monde matériel, à condition que ce monde ne soit pas totalement déterministe. John Horton Conway vient d’ailleurs de démontrer ce fait.

La conscience n’est pas l’apanage des hommes. Nous savons que les singes supérieurs (chimpanzés, gorilles…) ont une conscience d’eux-mêmes. La conscience est issue d’un monde déshumanisé puisqu’au début il n’y avait pas d’homme. Et si c’est Dieu qui nous envoie la conscience, elle est tout aussi déshumanisée d’ailleurs.

Je trouve que les croyants manquent souvent de générosité. Pourquoi d’autres formes de vie que la notre ne pourraient-elles pas devenir conscientes ? Pourquoi pas des machines ? En quoi ça vous gêne. Moi, je veux bien partager le miracle de la conscience. Je ne veux pas le garder pour moi en égoïste. La conscience devra-t-elle s’éteindre avec l’espèce humaine ? Non, encore une fois, je préfère qu’elle survive et empruntant d’autres supports, capables d’affronter le vide interstellaire ou un monde rongé par la radioactivité.

Ne croyez pas que les machines conscientes auront moins de soucis avec leur propre conscience que nous avec la notre. Elles n’auront pas d’autre choix que de devenir artiste pour essayer de supporter le mystère insondable que vous résolvez un peu vite en invoquant Dieu. C’est la conclusion de mon livre.

L’amour, la poésie, la passion… tout cela vient de la conscience. Ce n’est pas un truc humain. Les hommes ne font qu’en être dépositaires. Participer à l’histoire de ce truc suffit à donner du sens à ma vie. Je n’ai vraiment pas besoin de Dieu. On peut vivre sans Dieu.