Quitter les villes, revenir à une vie pastorale, serait le meilleur moyen de régler une grande partie des problèmes environnementaux. Faux. Individuellement, que nous vivions à la campagne ou en ville, nous polluons autant. C’est notre mode de vie qui est source de pollution, non l’endroit où nous vivons. Pour polluer moins, nous devons changer de mode de vie, non pas nécessairement déménager. Nous avons même intérêt à vivre en ville : la ville permet des économies d’échelle !

[Au cours du XXe siècle,] les architectes ont construit les villes autour des voitures plutôt que des gens, écrit Fred Pearce dans NewScientist.

Le mode de vie banlieusard qui en a découlé est un désastre écologique. En voulant concilier campagne et ville, il impose des temps de transport de plus en plus longs, donc multiplie les pollutions.

Mais les gens ne fuient pas les centres ville que pour avoir leur bout de jardin, ils fuient aussi pour trouver des loyers moins chers. Il faut donc régler la crise du logement dans les villes. Solution : construire plus dense pour éviter que la surface des villes ne grandissent dangereusement. Pour réduire les transports, il faut rapprocher les gens les uns des autres et les rapprocher de leur lieu de travail. Il faut resserrer le tissus urbain plutôt que le relâcher comme c’est le cas aujourd’hui.

Qui a donc envie de vivre dans une ville super dense ? Personne ? Pas si sûr. Il faut imaginer de nouvelles villes, des écopolis avec jardins suspendus, cascades, éoliennes, panneaux solaires, transports silencieux, immeuble qui laisse passer l’air entre leurs étages pour se ventiler automatiquement… structures lumineuses qui ménagent de vastes espaces de verdure où chacun peut s’isoler tout en étant à proximité des autres. Il faut réintroduire la nature dans la ville, récupérer la place gagnée sur le réseau routier. Est-ce une utopie ? Non la Chine construit une telle ville, Dongtan, dans la banlieue de Shanghai sur l’île de Chongming.

Une écopolis peut-elle être planifiée ? Peut-elle être construire d’après un plan ? Sans doute pas. Les structures complexes, depuis internet jusqu’aux villes, ont tendance à bourgeonner d’elles-mêmes. Fred Pearce note d’ailleurs que les villes les plus écologiques sont aujourd’hui les bidonvilles. C’est un paradoxe. Les bidonvilles sont souvent d’une insalubrité épouvantable et néanmoins leur empreinte écologique est plus faible que celle de n’importe quelle autre ville à densité équivalente. Il ne s’agit pas alors de nous dire que nous allons vivre dans les bidonvilles mais de s’inspirer de leur mode de construction, quasi organique.

Des millions de gens s’y auto-organisent en créant spontanément un tissu urbain resserré qui se parcourt à pied ou à vélo. Les habitations, qui utilisent abondamment les matériaux recyclés, ne sont pas très élevées, donc naturellement ventilées. Elles sont reliées par d’étroites ruelles comme dans les villes du moyen-âge. Certes, leur hygiène est, elle aussi, moyenâgeuse, mais on peut imaginer que si les habitants des bidonvilles étaient plus riches, ils construiraient sans doute des villes idéales, en tout cas très agréables à vivre.

Moralité : c’est en faisant confiance à l’ingéniosité individuelle que nous trouverons la solution aux problèmes complexes de l’urbanisation.

PS1 : C’est sûr que les habitants des bidonvilles ne souhaitent qu’une chose c’est en partir. L’intéressant, c’est de voir que le mode de construction sauvage conduit à des structures urbaines dont on pourrait s’inspirer pour tous. L’empreinte des bidonvilles est aussi plus faible à cause de la structure du bidonville.

PS2 : L’empreinte écologique des bidonvilles est faible en partie parce que les constructions ne sont pas élevées. Un immeuble élevé est une sorte de four, il surchauffe l’atmosphère autour de lui, ce n’est pas a priori une bonne idée, où alors il faut vraiment penser des immeubles auto-climatisés, ce qui pose un autre problème : la lumière naturelle a du mal à arriver jusqu’au sol dans les zones avec de grands immeubles !

PS3 : On peut vivre loin des grandes villes, mais il faut savoir qu’on n’est pas écolo pour autant. Avec bientôt 7 milliards d’humains, nous ne pourrons pas tous vivre à la campagne. Ça serait une catastrophe. Voilà ce que m’a fait comprendre Fred Pearce.

PS4 : Je n’ai pas dit que je voulais loger dans une ville hyperdense, je n’ai pas dit que ce serait le paradis. Je crois juste que l’humanité n’aura sans doute pas beaucoup d’autres choix. Il n’y aura pas de la place à la campagne pour tout le monde. Donc il faut trouver un moyen de construire des villes moins polluantes et vivantes.

PS5 : Je ne suis pas urbaniste. Je considère même que nous pouvons nous passer d’eux, c’est ce que je trouve intéressant dans l’histoire des bidonvilles. Ils démontrent notre capacité à nous auto-organiser. Depuis que j’ai écrit le Le peuple des connecteurs, je recherche des exemples d’auto-organisation. Celui-ci me paraît intéressant. Il montre qu’en l’absence de planification, d’urbaniste en l’occurrence, des structures écologiquement efficaces peuvent apparaître. Je n’ai jamais dit que les bidonvilles étaient des merveilles. Nous pouvons juste apprendre pas mal de choses en les étudiants.