Ce matin, j’ai reçu un mail sympa de Miguel Membrado où il me pose une question intéressante :

Je suis également persuadé que l’auto-organisation est LA solution du futur, et je tente à mon niveau et celui des gens autour de moi de la pratiquer depuis longtemps. Mais vous ne parlez pas de cette malheureuse capacité qu’ont certains humains à faire le mal volontairement autour d’eux, avec parfois une capacité de nuisance des dizaines de fois supérieure à ceux qui cherchent à agir « normalement ». Or la réalité veut que ces êtres se retrouvent souvent dans nos communautés, et en constituent des grains de sables redoutables. Comment une société auto-organisée peut-elle éradiquer de tels individus ? une première réponse pourrait être « la masse » et la régulation à long terme. Mais le problème est souvent que ces êtres qui ont une vision des valeurs inversés, savent parfaitement retourner à leur avantage les règles collectives, car en fait ils ne les suivent pas, ils les détournent pour leur profit, alors que les autres suivent ces règles tacites collectives qui maintiennent l’équilibre du système. Ils risquent alors de se faire « manger » par le mouton noir. C’est la seule question sans réponse qu’il me reste à la lecture de votre ouvrage. Peut-être y avez-vous déjà répondu par ailleurs ?

Dans toute société, il y a des déviants et il y en aura toujours. C’est même une nécessité car sans déviance il n’y aurait pas de changement. Nous devons donc assumer le risque, vivre avec les déviances positives et négatives. L’existence des premières est intimement liée à celle des secondes, elles sont malheureusement indissociables. C’est un peu comme les mutations positives et négatives.

Je crois toutefois que si la déviance positive n’était pas majoritaire, nous n’aurions jamais développé nos civilisations. Les mauvaises graines existent mais elles n’empêchent pas les bonnes graines, infiniment plus nombreuses, de prospérer.

Cela ne veut pas dire que les mauvaises graines n’ont pas un pouvoir de nuisance. Il est même énorme. Il nous empoisonne jusque sur un terrain de foot lors d’une finale de coupe du monde.

Lorsqu’individuellement nous nous retrouvons face à une mauvaise graine, ce n’est jamais agréable, c’est même douloureux… Et ça nous rend pessimiste quant aux chances de l’humanité. Notre expérience négative tend à nous faire voir tout en noir. Nous étendons le particulier au général. Puis on remonte la pente, on se rend compte qu’on a réussi à surpasser le pouvoir de nuisance. Et les choses avancent tout de même.

Je crois que l’auto-organisation, déjà au cœur de nos sociétés, suffit à expliquer pourquoi les mauvaises graines ne peuvent l’emporter. Une mauvaise graine ne s’auto-organise pas. Elle ne participe pas à l’harmonie générale. Elle se retrouve mise à l’écart automatiquement.

Une mauvaise graine joue perdant-perdant. Les bonnes gagnant-gagnant. Seule cette seconde stratégie l’emporte à long terme. Mon optimisme profond dicte ma réponse. C’est ma façon de jouer gagnant-gagnant.