Hier soir, j’ai assisté à une conférence sur Alexis de Tocqueville. Un de ses descendants nous a parlé de son prestigieux ancêtre, évoquant ses nombreuses prophéties, notamment celle qui voit le centralisme comme un danger pour la démocratie. Après, autour d’un buffet campagnard, nous avons rediscuté de ce sujet.
J’ai évoqué un passage de Tocqueville qui m’a frappé et dont j’ai déjà parlé. Dans la jeune démocratie américaine, lorsqu’une intempérie endommageait une route, les usagers de cette route se saisissaient de leurs pelles et de leurs brouettes et réparaient immédiatement la route. À cette époque, le centralisme administratif n’existait pas encore, l’action locale dominait la vie publique.
Aujourd’hui, si un orage défonce une route, nous attendons que la DDE intervienne. Mon beau-père fit alors remarquer que nous n’avions pas le choix. Pour réparer une route, il faut des machines. C’est vrai. Le centralisme se nourrit lui-même. Un peu de centralisme implique plus de centralisme. Et la société se retrouve progressivement gangrenée par lui. Nous sommes devenus les esclaves du centralisme.
Plutôt que d’adopter des solutions technologiques qui favorisent l’action locale, le centralisme favorise celles qui le favorisent lui-même. C’est un feedback positif et assez naturel. Par exemple, EDF préfère développer les sources énergétiques centralisées (nucléaires, thermiques, hydrauliques…) que les micro-sources qui pourraient être installées dans chaque habitation, et donc mettre en danger EDF sous sa forme actuelle.
À l’origine de cette attitude : la technologie de l’âge industriel qui ne savait que faire grand, ne savait que faire concentré pour réussir des économies d’échelles. Mais avec l’âge de l’information, nous entrons dans l’âge de la miniaturisation, avant d’entrer dans celui des nanotechnologies. Savoir faire petit, c’est savoir trouver des solutions portables qui favoriseront l’action locale. À l’énergie centralisée, nous trouverons des solutions décentralisées (et propres). Et il en ira de même pour les routes. Nous adopterons en fait des solutions biologiques. La maintenance des organismes vivants, bien plus complexes que nos routes, ne nécessite aucune prise de décision centrale. Toute structure reposant sur un centre est fragile car le centre représente le maillon faible.