J’ai découvert une perle dans un papier de Laurence Benhamou publié sur Yahoo Actualités.
Les journaux essaient donc de se réinventer pour regagner des lecteurs. Créer des sites internet ne suffit pas à financer une rédaction car ils ne rapportent que 7 % des recettes publicitaires. Il faudra 30 ans pour qu’ils en rapportent 50 %, selon l’analyste de Merrill Lynch, Lauren Fine.
En lisant cette énormité, j’ai explosé de rire. Comment peut-on faire des prévisions à 30 ans ? Comment peut-on, en tant que journaliste, citer des chiffres aussi absurdes ? Absurde parce des journaux comme OhmyNews font déjà 100 % de leur chiffres d’affaires en ligne. L’avenir de la presse est en ligne, pas sur le papier. Jamais les revenues en ligne ne couvriront les pertes du papier car il n’y aura plus de papier dès que les readers électroniques de Sony ou autres seront commercialisés.
Voilà que je me mets à faire des prévisions. Mais elles ne sont pas à 30 ans, pas à six mois, ce ne sont même pas des prévisions. Dans 30 ans, le hors ligne n’existera sans doute même plus. La tentation de prophétiser me reprend. Je vais bientôt me réincarner en Jacques Attali. Je me demande bien pourquoi j’ai commencé à lire sa brève histoire de l’avenir, encore une mauvaise influence de mon éditeur.
[…] l’Histoire obéit à des lois qui permettent de la prévoir et de l’orienter.
Quand je lis ça, je suis scandalisé. J’ai écrit Le peuple des connecteurs en partie pour dénoncer cette idée. En son temps, Tolstoï a écrit La Guerre et la Paix pour la même raison. Des dizaines de scientifiques, dont le mathématicien français Benoit Mandelbrot, ont DÉMONTRÉ que l’avenir était imprévisible, mais ça ne change rien. Certains hommes influents veulent nous faire croire le contraire, parce que leur influence réside justement dans leur hypothétique influence sur l’histoire. Attali appartient à cette grande famille d’imposteurs.
Pour lui, dans notre avenir, « La situation est simple : les forces du marché prennent en main la planète. » Réveillez-vous monsieur. Ça, c’est l’histoire ancienne, j’espère que le XXIe siècle nous réserve autre chose. Moi, je vois que le cinquième pouvoir a déjà commencé à prendre les choses en main. Encore une fois, ce n’est pas une prévision.
Attali fait partie de ces historiens qui croient que l’assassinat de l’archiduc d’Autriche a déclenché la guerre de 1914. Il n’a aucune conscience des états-critiques, il ne sait pas que notre société se maintient dans un état-critique à l’avenir totalement imprévisible et au passé qui ne peut être compris qu’en étudiant l’histoire de tous les évènements, même les plus infimes, ce qui revient à dire qu’une réelle compréhension historique est impossible.
Et pourtant, dans le prochain demi-siècle, tout changera dans de multiples directions, qu’il est tout à fait possible de dessiner.
Attali nous fait croire que c’est un aventurier de la prospective alors qu’il nous décrit un avenir déjà passé. Comment peut-on oser écrire qu’il est facile d’entrevoir l’avenir alors que personne, avant 1990, n’avait prévu le web et tout ce qui en découle.
Attali est merveilleux. Il a dit que le web serait énorme en 1997 alors qu’il était déjà énorme. Il joue au prophète pour ceux qui ne suivent pas ce qui se passe dans le monde, c’est tout.
Vers 2060, […] de nouvelles forces, altruistes et universalistes, déjà à l’œuvre aujourd’hui, prendront le pouvoir mondialement, sous l’empire d’une nécessité écologique, éthique, économique, culturelle et politique.
S’il faut attendre 2060, je crains que ça ne soit trop tard. Le cinquième pouvoir, cette force dont parle Attali, s’est déjà mis au travail, il n’attendra pas deux générations avant de changer le monde monsieur. Je crois que je ne vais pas dépasser l’avant-propos de cette brève histoire de la connerie.
PS1 : Beaucoup de choses sont prévisibles avec des probabilités très simples (hasard de type 1). Le soleil a quasiment 100 % de chance de se lever demain. Mais beaucoup d’autres choses dans notre monde complexe sont totalement imprévisibles (hasard de type 2). Heureusement d’ailleurs.PS2 : Il faut toujours être prudent quand on parle de quelqu’un sur le web. Laurence Benhamou a retrouvé mon article et a défendu son propre article. J’essaie de lui répondre.« Je ne vous jette pas la pierre. Je suis aussi journaliste et j’ai souvent utilisé les chiffres des analystes pour étayer mes textes.1/ Les analystes se trompent toujours, suffit de regarder leurs prévisions passées.2/ On ne prévoit pas l’avenir en prolongeant les tendances actuelles, surtout dans le domaine technologique, où les progrès sont souvent exponentiels.Il y a 5 ans, on était à moins de 1 % de revenue pub sur internet, le modèle publicitaire actuel n’existait pratiquement pas, celui de demain, lui, n’existe pas encore. Que voulez-vous prévoir dans ce cas ?J’ai été maladroit dans mon billet. C’est uniquement l’analyse qui m’a fait exploser de rire, moins que Jacques Attali je l’avoue. Je n’aurais pas du vous impliquer dans cette histoire mais avouez que nous autres journalistes nous contribuons grandement à justifier l’existence de ces charlatans de futurologues. »PS3 : OhmyNews a aussi une édition papier . Ce que je veux dire c’est qu’il ne faut pas inverser le sens de l’histoire. La presse migre vers le on line, la pub aussi, à toute vitesse… c’est ça qu’il faut chercher à comprendre pas comment le papier disparaîtra (ce qui est bon pour nous tous… écologiquement parlant).PS4 : Le futur, il faut le construire. Le prévoir est utile mais alors il faut prévoir une multitude de futurs… pas se limiter à un futur.