Dans les derniers commentaires de Rachid, celui-ci par exemple, je devine un grand scepticisme vis-à-vis du cinquième pouvoir. Il n’est pas le seul à s’exprimer ainsi. Paradoxalement, dans les staffs des grands partis, plus personne ne doute de son importance, en tous cas comme force capable de faire gagner ou perdre une élection (ce qui le consacre déjà comme un certain pouvoir).
Dans la première moitié de mon prochain livre, j’ai étayé ce point avant de montrer en quoi l’émergence du cinquième pouvoir changeait les règles du jeu politique. À l’avenir, à mon sens, ceux qui les ignoreront n’auront aucune chance de faire évoluer la société (à moins qu’ils ne la prennent par la force… ce qui n’est pas impossible au vue de certaines dérives autoritaristes que connaissent en ce moment nos démocraties).
Rachid comme beaucoup d’autres cherchent l’expression du cinquième pouvoir là où l’on cherche habituellement l’empreinte du politique : dans les lois, des actes de gouvernement ou éventuellement dans le domaine associatif. Il faut regarder ailleurs... dans ce que j’appelle l’open source au sens large.
Le cinquième pouvoir ne change pas le monde actuel, il est en train d’en construire un nouveau dont les portes sont déjà ouvertes et s’ouvriront de plus en plus. Un monde où les échanges ne seront pas nécessairement monétisés et où la collaboration prendra un nouveau sens, en même temps qu’elle se déploiera à une échelle sans précédent.
Le cinquième pouvoir invente de nouvelles méthodes de cohabitation sociale, il invente l’après-capitalisme… Ça existe en informatique, dans l’agriculture, dans la culture… À quoi bon essayer de replâtrer l’ancien monde alors que nous sommes en train d’en découvrir un nouveau ?
Les sceptiques sont comme ces hommes qui au temps de l’esclavage n’imaginaient pas un monde sans esclaves. Ils n’ont rien vu changer jusqu’à ce que soudain l’esclavage soit peu à peu aboli. Idem pour les monarchistes. Nous vivons en ce moment une transition comparable.
Si elle était évidente pour tous, elle serait déjà en passe de se terminer, nous n’aurions même plus besoin de l’expliquer et de la promouvoir.
Il faut des méthodes nouvelles pour un temps nouveau. À certains moments dans l’histoire, on ne peut plus faire du neuf avec de l’ancien. Il faut accepter de changer.
Aujourd’hui, les réalistes sont ceux qui voient le changement… non pas les sceptiques qui ne le voient pas. Les réalistes sont tous ceux qui inventent de nouvelles façons de faire, par exemple de faire du business avec les outils web 2.0.
En théorie, on peut changer le monde de deux façons, pas nécessairement antinomiques d’ailleurs, de l’intérieur ou de l’extérieur. Je sais que de l’intérieur c’est toujours moins douloureux, j’espère qu’un leader éclairé réussira ce tour de force mais depuis de trop nombreuses années cette approche échoue.
J’ai essayé de construire Le cinquième pouvoir comme un livre initiatique, beaucoup moins engagé que Le peuple des connecteurs. À chacun de prendre conscience que de nouvelles possibilités s’offrent à nous.
Faut vite que j’aille boire un coup avec Rachid...
PS1 : Internet n’a pas 0,5 % d’audience mais 100 %… C’est un fait que les Américains ont compris, que les Sud Coréen ont aussi compris… 100 % des journalistes sont sur internet. À partir de là, internet a la même audience que les autres médias, c’est une audience indirecte… mais c’est le propre d’internet de fonctionner viralement.PS2 : Il faut arrêter de se focaliser sur les élections… l’essentiel se passe ailleurs… les élus ont de moins de moins en moins de pouvoir… le pouvoir est entre les mains des citoyens… ils ont le pouvoir de changer le monde et personne d’autre. Je n’ai pas changé d’avis depuis que j’ai écrit Le peuple des connecteurs. Même si le cinquième pouvoir réussissait à faire élire son candidat, ça ne changerait pas grand chose. Seul compte ce que nous faisons tous au quotidien pour que le monde aille mieux.PS3 : Il y a piste de la révolution intéreure, de type Gorbatchev. Il y a la piste extérieure, déjà à l’œuvre et qui change déjà le monde plus qu’aucune politique ne l’a jamais fait (aplatissement économique… aucune politique n’a voulu ça à l’échelle mondiale et ça se produit pourtant… c’est un premier pas vers une déclaration Universelle d’interdépendance).PS4 : Il y a toujours des gens en difficulté, il y en aura toujours d’ailleurs, nous devons tout faire pour inventer un système où il y en aura moins… un système qui permettra à l’espèce humaine de s’en tirer sur cette planète. Je crois que la solution passe par une nouvelle méthodologie politique. J’ai l’impression de travailler à la construction de ce nouveau monde en faisant ce que je fais. Bien plus que Rachid ne le croit. Sans Descartes, sans sa façon de raisonner, notre monde technologique n’existerait peut-être pas. La méthode est essentielle.PS5 : On ne peut pas faire du neuf avec seulement les vieilles recettes. Il faut être novateur, ne pas essayer de recoller les bouts de notre système. La révolution intérieure ne peut faire que ça. Le mieux qu’elle pourrait faire serait donner de plus en plus de place à l’autre monde. Mais le fera-t-elle ? Acceptera-t-elle de se sacrifier pour l’intérêt général ? Si elle ne le fait pas, je crains le pire, je l’avoue… car de plus en plus de gens comprendront que ça ne peut pas durer comme ça. Les gens au fond de leur banlieue le comprennent instinctivement… il leur manque juste la vision de l’autre monde. C’est à nous de la leur donner.PS6 : Que tout le monde se remettent à discuter… fasse de la politique au sens où l’entendaient les Grecs. Que dix personne se mettent à faire du porte-à-porte ne changera rien… si nous sommes des milliers à parler à dizaines de milliers… ça change tout… tous les habitants de cette foutue planète sont à notre portée…PS7 : Le cinquième pouvoir n’est pas centralisé, n’a pas d’objectif unique… Il ne faut pas chercher à le lire comme une force politique traditionnelle qui a pour ambition d’emporter une victoire quelconque. La politique, c’est à chaque seconde. Je ne crois pas que nous puissions prouver par une expérience que le cinquième pouvoir existe. Pour moi, il existe quand je regarde quelques évènements politiques survenus durant ces dernières années. Il existera de plus en plus parce que nous sommes en train d’inventer des outils de collaboration de masse…