Pour son site, l’auteur de Clés pour Internet, m’a posé quelques questions.

— Avec le développement d’applications Web 2.0, comment voyez-vous évoluer les comportements des citoyens ?

— Je ne suis pas un sociologue, je n’étudie pas les comportements, je suis plutôt un artiste, je me fie surtout à mon intuition forgée à force de passer du temps sur internet et à discuter avec d’autres internautes. J’ai même tendance à jouer au visionnaire et à essayer de pousser les gens dans la direction qui me semble la plus à même d’enchanter nos vies.

Avec le Web 2.0, nous faisons les services que nous utilisons en même temps que nous les utilisons. Certains voient ce phénomène, appelé crowdsourcing, comme un nouvel esclavagisme, moi je crois que, grâce à lui, nous prenons goût à la participation. Nous pouvons maintenant rêver d’une démocratie participative. Il nous reste juste à inventer les outils ad hoc.

Dans Le cinquième pouvoir, j’ai noté que, depuis 50, ans l’abstention électorale augmente avec l’audience télé alors que la participation redémarre avec l’avènement du Web 2.0. Ce n’est sans doute pas un hasard. Il ne faut pas pour autant crier victoire. Nous devons aider ce mouvement qui me paraît indispensable pour régler les diverses crises planétaires actuelles. Nous avons besoin de l’intelligence de tous, donc de la participation de tous, pour nous en sortir.

— Hormis le rôle de l’enseignant Étienne Chouard qui a eu un impact sur la victoire du non au référendum du 29 mai 2005 sur la constitution européenne, quels autres exemples montrent que les internautes deviennent des acteurs de la vie démocratique ?

— J’ai consacré la première partie du cinquième pouvoir à répondre à cette question. Il faut différencier les implications lors des élections de celles au quotidien, beaucoup moins spectaculaires mais au combien plus importantes.

Dans la première catégorie, nous avons l’élection présidentielle sud-coréenne en 2002, la course à l’investiture démocrate de Howard Dean en 2003 aux États-Unis, la désignation de Romano Prodi comme candidat de la gauche italienne en 2005, les sénatoriales américaines de 2006… Presque toutes les élections actuelles peuvent servir d’exemple car internet y joue un rôle croissant.

Parler des implications plus discrètes est toutefois capital car c’est à ce niveau que se jouera la véritable démocratie participative. En France, l’exemple le plus connu sont ceux d’Asnières, de Puteaux ou de Rouen. De nombreux autres existent, j’ai évoqué l’idée que leurs acteurs les décrivent sur un wiki pour établir une sorte de “jurisprudence”. On peut retrouver certains des acteurs du cinquième pouvoir sur le Web Citoyen.

— Que pensez-vous du jeu Second Life, des réactions qu’il génère et des complémentarités entre vie réelle et vie virtuelle sur Internet ?

— Le réel et le virtuel, je ne sais pas trop ce que c’est. Pour moi tout est réel autant que virtuel. La culture est-elle réelle ou virtuelle ? Je n’en sais rien et je crois que la réponse n’a pas beaucoup d’intérêt.

Les jeux comme Second Life sont intéressants car ils nous permettent d’expérimenter des variations du réel. On peut y faire de l’économie fiction comme de la politique fiction. Edward Castronova a écrit un livre à ce sujet, voir son interview sur NewScientist.

Maintenant j’ai l’impression que les partis politiques utilisent Second Life pour faire leur pub. Tout ce qui touche à internet étant à nouveau à la mode, ils en profitent. Mais aller sur Second Life pour faire exactement la même chose que dans le réel n’a pas beaucoup d’intérêt. J’espère que les joueurs vont dynamiter tous ces beaux bâtiments publicitaires.

Je ne veux pas m’étendre sur le sujet car je ne joue pas à Second Life, et j’ai juste expérimenté pendant une vingtaine d’heures World of Warcraft. En faisant croire que je suis un expert, j’imiterais tous ces gens qui donnent des leçons au sujet d’internet sans même en être des utilisateurs avertis.