Ou est-ce juste TF1 ? Je n’avais pas regardé une émission politique depuis au moins une dizaine d’années et, hier soir, après avoir publié un court billet, j’ai fini par me décider d’aller voir chez mes voisins la prestation de Bayrou.
Pour quelqu’un qui comme moi n’a pas la télé, qui ne la regarde pas, ce fut un spectacle terrifiant. J’ai eu l’impression de retourner dans un autre temps et d’embarquer dans un vaisseau fantôme peuplé d’aliens. Le plateau rouge en forme d’hémicycle ressemblait à une soucoupe volante tiré d’un film de Mel Brooks. Le décor n’était même pas kitsch, même pas de mauvais goût, simplement médiocre comme les questions désordonnées des spectateurs.
Quant à la prestation de Bayrou
Il a bien tenu 45 minutes mais les questions internationales, bidons comme la plupart des autres, l’ont fait sortir de son affaire. Il a perdu toute tenue, il n’était plus dans le rythme… Je l’ai senti car je me suis parfois trouvé dans cette situation au cours de mes conférences. À la place de Bayrou, je me serais enfui ou j’aurais explosé. Au contraire, il a joué au gentil, essayant de faire plaisir à tout le monde après avoir promis une politique de rigueur. Ça ne collait plus.
J’ai surtout ressenti un grand manque de consistance dans son discours – faut dire que les questions ne l’ont pas aidé. À chacune, il aurait dû expliquer pourquoi un gouvernement d’union nationale était le mieux placé pour s’en sortir.
Bayrou a très vite oublié cette partition. Après avoir dit justement que pour l’éducation ce n’était pas aux ministres de décider, il a oublié cette règle pour les autres domaines et il a aligné des mesures… pour faire plaisir aux uns et aux autres. Nous l’avons alors découvert dans le rôle du potentat qui du sommet de sa pyramide assène ses vérités (j’étais déçu car j’espérais le voir jouer un autre rôle que celui de Sarkozy et de Ségolène).
Mais pourquoi ce qui ne marcherait pas pour l’éducation marcherait pour autre chose ?
Bayrou aurait dû n’avoir de cesse que de répéter une seule rengaine : quand les Français ne sont pas dos à dos, ils trouvent des solutions au préalable inimaginables. Ils peuvent envisager des médications que personne n’avait jusque-là osées.
Au contraire, Bayrou a parlé encore et encore de la droite et de la gauche, n’ouvrant jamais la porte à une véritable union nationale, ne faisant jamais un geste en direction des forces tournées vers l’avenir (écologistes, alters, vraix libéraux...). Je n’ai pas reconnu le Bayrou avec qui j’ai discuté lors de la rédaction du cinquième pouvoir. Je n’ai pas retrouvé le Bayrou internaute. Je crois que l’homme se plie au jeu télévisuel et que, au passage, il perd ce qui, en lui, peut faire la différence. En simplifiant pour la TV, il se dénature.
J’ai assisté à un spectacle affligeant, vraiment terrifiant pour un Martien comme moi. Et je me suis demandé si je ne visionnais pas à une fiction sans le savoir. Quand on vient d’une civilisation étrangère, il faut toujours se méfier des coutumes autochtones. Et puis j’ai vu arriver sur scène Dominique Voynet. J’ai compris que c’était sérieux. Il allait enfin être question d’écologie comme si Bayrou n’avait rien à dire sur le sujet. C’est peut-être le cas, ça fait flipper, alors je me suis enfui, j’ai retrouvé mon ordinateur, en me disant qu’ils étaient fous ces Français !
Comment des personnalités politiques prétendant sauver un pays, sauver l’Europe, sauver le monde, peuvent-elles accepter de se plier à ces simagrées télévisuelles ? Si la démocratie en est arrivée-là, c’est la preuve qu’il faut la réformer de fond en comble, c’est la preuve qu’une révolution est maintenant inévitable. Sinon comment mettre fin au règne des promesses impossibles ?
PS : Quelle absurdité de demander à un candidat de se positionner sur des questions internationales d’un autre temps. C’est vrai qu’il y a des problèmes au proche orient. Je ne vais pas les nier. Mais les véritables questions internationales de notre siècle seront environnementales. Nous ne les règlerons pas avec des sous-marins atomiques. Et puis il faut essayer de se mettre dans la tête que la France n’est plus une grande puissance. Notre rôle n’est pas de faire la police dans le monde mais peut-être de donner l’exemple en matière d’environnement, de social-démocratie, d’art de vivre… Dans ces domaines, nous avons encore des cartes à jouer. Et ça, c’est de la politique internationale essentielle. Arrêtons de juger nos candidats avec des critères du vingtième siècle. Nous sommes bien au vingt-et-unième non ? Je n’ai pas rêvé !