Samedi, je serai à nouveau à Paris pour participer à la conférence internet et éthique. Nous allons nous demander quelles règles nous devrions respecter sur nos sites ? 

Dès les premiers forums USENET, une nétiquette est apparue. Est-elle nécessaire ? Je pense que oui mais son texte ne doit ni être définitif, ni être unique, ni être imposé par qui que ce soit, surtout pas le gouvernement. Libre à chacun d’entre-nous de nous attacher à une charte ou à une autre. C’est avant tout à nos lecteurs de nous sanctionner si nous dépassons les bornes.

De ces remarques préliminaires, je tire deux règles qui devraient être dans toutes chartes (ce qui est presque en contradiction avec ce que je viens de dire).

  1. Les sites doivent être ouverts aux commentaires pour autoriser la critique et permettre une autorégulation par les lecteurs eux-mêmes (relevé des erreurs, mensonges, dérives racistes ou autres… idéalement les commentaires ne devraient pas être modérés a priori mais a postériori par les lecteurs eux-mêmes). Je crois, par exemple, que le phénomène blog est avant tout intéressant par les commentaires qui suivent les articles plus que par les articles eux-mêmes.
  2. Aucune néthique ne doit être gravée dans le marbre. Son texte même doit être ouvert aux commentaires et, pourquoi pas, donner naissance régulièrement à de nouvelles versions. Il devrait en être de même de tous les textes fondamentaux, déclaration des droits de l’homme par exemple (qui ignorent encore les droits des générations à venir il me semble).

Cela dit les néthiques peuvent sans doute varier suivant leur champ d’application. Par exemple, pour peser dans la vie démocratique, les blogueurs doivent s’imposer un peu de rigueur. Adam Kesher a fait quelques propositions en ce sens . Elles me semblent pertinentes. Je les avais reprises et modifiées quelque peu dans le manuscrit du cinquième pouvoir avant de couper ce passage.

  1. Nous devons être force de propositions. Étienne Chouard nous montra comment un citoyen anonyme pouvait se lancer dans le projet fou d’écrire une nouvelle constitution européenne. Il faut maintenant que se lèvent des foules héroïques et positives.
  2. Les blogueurs doivent prendre le temps d’approfondir et ne pas imiter la télévision en se battant à coup de petites phrases. Ils doivent exploiter toutes la bande passante offerte par internet.
  3. Les blogueurs doivent parler en leur nom, être transparents, travailler au grand jour pour éviter les usurpations d’identité techniquement très faciles (oui, je sais, Adam Kesher est un pseudonyme). Je ne crois pas pour autant que nous devions être fliqués sur internet.
  4. Internet est une base de données où tout ce qui se dit reste inscrit dans le marbre, celui qui abuse des attaques ad hominem perd à la longue toute crédibilité, car il devient facile de dénoncer ses pratiques preuves à l’appui. La traçabilité permet de dénoncer les dénigreurs et autres calomniateurs.
  5. Les blogueurs doivent être solidaires lorsque certains d’entre eux se feront attaquer par des politiciens qui auront intérêt à faire taire le cinquième pouvoir. À l’avenir, les partis mal à l’aise avec internet, suspicieux quant à son usage, mal représentés dans la blogosphère, useront à coup sûr du dénigrement contre ceux-là même qui seraient tentés d’en abuser. Le cinquième pouvoir n’a aucune légitimité institutionnelle, on pourra le lui reprocher, surtout s’il se complait dans le dénigrement.

En niant l’influence même d’internet dans la vie politique, certains blogueurs, malgré eux, sont en train de nous dire que nous pouvons faire n’importe quoi (du moment que ça n’a pas d’effet). Je crois, au contraire, que nous avons une grande responsabilité. Internet, en démultipliant le pouvoir entre nos mains, nous oblige à la vigilance. Nous ne pouvons plus dire que c’est la faute des autres. « Les autres, c’est nous. »