J’entends parfois des gens se plaindre que le cinquième pouvoir ne fonctionne pas toujours, par exemple suite à l’initiative pluralisme.org. Mais heureusement ! Si ce pouvoir marchait systématiquement, il serait terrible, il serait pire que le pire des pouvoirs dictatoriaux. Il suffirait que des citoyens souhaitent quelque chose pour que cette chose advienne, la société deviendrait alors un enfer.

Ce qui compte c’est plutôt l’aspect aléatoire du cinquième pouvoir. Il peut marcher, il a du potentiel, dans certaines circonstances qu’il est, a priori, impossible de connaître (référence aux zones critiques dans les systèmes auto-organisés).

C’est un peu comme quand un homme rencontre une femme. Il peut se passer quelque chose mais dans certaines circonstances seulement. Sinon nous serions pires que les bonobos.

Le cinquième pouvoir doit faire des expériences et se féliciter de celles qui, de temps à autres, aboutissent. En ce sens, comme je le dis souvent, il est tout sauf un pouvoir mais plutôt un non-pouvoir.

C’est aussi parce que le cinquième pouvoir ne se contrôle pas qu’il n’est que rarement opérant. Il faut qu’un accord survienne entre la volonté de ceux qui lancent une opération et la volonté de ceux qui vont la propager. Sans cet accord, les initiatives du cinquième pouvoir ne font pas plus de bruit que des pétards mouillés. Mais ces échecs ne doivent jamais faire oublier ses succès.

En résumé :

  1. Jamais un pouvoir citoyen ne sera capable de faire ce qu’il veut, heureusement. Ce serait la dictature sous une autre forme.
  2. Un pouvoir d’influence ne se voit que quand il réussit. Le reste du temps, il sommeille.
  3. D’une certaine manière, personne ne peut faire bouger le cinquième pouvoir mais il se bouge de lui-même (lorsqu’une auto-organisation provoque une émergence sociale en quelque sorte).
  4. Le cinquième pouvoir se situe entre les hommes non entre les mains de quelques hommes.

Il ne faut surtout pas confondre les actes de quelques individus, les miens en particulier, et le cinquième pouvoir. Si j’essaie d’organiser avec d’autres blogueurs un débat sur internet, ça n’a aucun lien avec le cinquième pouvoir. C’est tout au plus une forme de lobbying.

Le cinquième pouvoir est une force diffuse, interindividuelle avant tout. C’est quand elle se saisit de quelque chose et le fait circuler, et le fait enfler, qu’elle commence à gagner un certain pouvoir.

Il faut différencier ce que j’essaie de théoriser, cette chose totalement hors de moi, et ce que je fais moi-même. Je précise tout ça car j’ai un peu l’impression d’une confusion chez certains.

Le cinquième pouvoir ne m’appartient pas. Il n’appartient à personne. Il n’existera de façon évidente que le jour où les autoroutes des idées entre les citoyens seront ouvertes. Aujourd’hui, l’information transite essentiellement par les grands médias qui offrent une bande passante trop étroite pour les idées alternatives.

Traçons les nouvelles voies, nous verrons le cinquième pouvoir se dresser peu à peu. Échouons et nous verrons le conformisme dominer car, dans un monde de plus en plus complexe, donc déroutant, le réflexe sera au repli réactionnaire.