Comme je l’ai dit récemment, je suis pour le nucléaire mais not in my backyard. Cette position n’est pas inflexible. Si je dois choisir entre une centrale nucléaire près de chez moi ou crever de faim et de soif à cause du réchauffement climatique, je choisis la centrale, qui apparaît alors comme un moindre mal.

Ces idées ont tourné dans ma tête cette nuit après ma lecture du premier chapitre de La revanche de Gaïa. Lovelock écrit :

Je conjure mes amis écologistes de renoncer à leur conviction naïve : le développement durable, les énergies renouvelables et les économies d’énergie ne constituent pas un remède. Je les conjure aussi d’ouvrir les yeux plutôt que de s’opposer aveuglément à l’énergie nucléaire et de dénoncer (à tort) ses dangers. Cette source d’énergie est suffisamment sûre et fiable pour représenter une menace insignifiante face aux vagues de chaleur intolérable et à l’élévation du niveau de la mer qui mettent en péril toutes les villes côtières de la planète. Les énergies renouvelables sont une solution séduisante, mais jusqu’à présent elles sont inefficaces et coûteuses. Elles auraient un avenir si nous avions encore le temps d’expérimenter des sources d’énergie visionnaires. Le danger est tel que notre civilisation doit recourir à l’énergie nucléaire sans attendre, ou souffrir les maux que la planète accablée ne tardera pas à nous infliger.

Il faut lire ces propos en se souvenant que Lovelock est le père idéologique du mouvement écologiste. Sa position est bien sûr alarmiste. Elle ne se défend que, si comme il le suppose, nous approchons du point de rupture – chose qui n’est pas démontrée et ne peut l’être puisque nous ne pouvons pas prévoir l’avenir.

D’autre part, Lovelock passe sous silence les lobbies énergétiques qui défendent leurs monopoles actuels et ne sont pas pressés de voir des sources énergétiques alternatives se développer, tout ça dans une logique centralisatrice, faisant de l’énergie une denrée rare comme jadis l’information était rare.

Lovelock n’est pas exempt de contradiction. Il écrit :

Inciter les nations à agir localement, dans leur propre intérêt, est peut-être le plus rapide moyen d’agir globalement. […] N’attendons pas un accord ou un ordre de mission international pour agir !

J’ai envie de pousser ce raisonnement un peu plus loin et de réécrire Lovelock :

Inciter les individus à agir localement, dans leur propre intérêt, est peut-être le plus rapide moyen d’agir globalement. […] N’attendons pas un accord ou un ordre de mission national ou international pour agir !

Lovelock ne vas pas aussi loin car il reste un homme du vingtième siècle, génial certes, mais ancré dans les approches top-down à l’origine des problèmes actuels. Il ne voit donc que des approches top-down, le nucléaire, pour régler le problème.

Nous avons deux possibilités il me semble :

  1. La biosphère est au point de rupture.
  2. Nous avons un répit de quelques décennies.

Comme nous ne pouvons prévoir l’avenir, le principe de précaution exige de se placer dans la première situation. Il faut donc agir immédiatement et déclarer la guerre aux gaz à effet de serre. La seule arme opérationnelle est le nucléaire, fonçons, dit Lovelock.

Mais est-il pertinent d’invoquer le principe de précaution ? Si nous hypothéquions chacune de nos actions quotidiennes à un principe de précaution, nous ne ferions pas grand-chose (nous ne prendrions jamais notre voiture par exemple).

Par ailleurs, décider de foncer dans le nucléaire ne permet pas d’ouvrir de nouvelles centrales du jour au lendemain. Le nucléaire est une énergie lente à déployer. Donc s’il y a urgence, le nucléaire est encore trop lent. Il faut opter pour les énergies, même coûteuses, qui ont un cycle d’installation plus court.

La situation n’est pas simple, j’avoue que ma position n’est pas claire. Je m’interroge et m’efforce d’agir localement en commençant par installer le solaire chez moi.

Mais que faire ?

Accepter le nucléaire dans son backyard ?

Non, décidément je n’aime pas cette solution, peut-être avant tout parce qu’elle est centralisée et qu’elle fait planer sur nous une dictature énergétique, qui pourrait très vite devenir une dictature informationnelle.

Je crois que nous devons diversifier et multiplier les micro-sources d’énergie. C’est la garantie de notre liberté énergétique et la garantie de pouvoir réagir rapidement aux évolutions technologiques.