Philippe Lemoine, PDG de LaSer, m’a envoyé son livre, La Nouvelle Origine, lors de sa sortie fin mai. Je ne l’aurais sans doute pas lu sinon et je serais passé à côté de cette invitation à l’action révolutionnaire. Dans cet essai, il n’y a aucune théorie, juste des connexions. Des petits faits juxtaposés que le lecteur peut réassembler à loisir.

C’est très Rock & Roll, dans l’esprit Lipstick Traces, livre magnifique cité en introduction. Je me suis tout de suite trouvé en terrain familier, croisant sans cesse des sources d’inspiration communes (c’était inattendu quand on connait le cursus de Lemoine). J’en suis au chapitre intitulé L’embrasement, une évocation de la rapidité foudroyante des révolutions.

J’ai alors pensé à l’effet tunnel décrit en mécanique quantique. Des particules peuvent, dans certaines conditions, franchir des barrières de potentiel sans disposer de l’énergie nécessaire. C’est comme si plutôt que d’escalader l’Everest nous passions au travers.

D’une certaine façon, toutes les révolutions surviennent par effet tunnel. Elles sont impossibles jusqu’à ce qu’elles déferlent. Quelques jours avant, la barrière paraît toujours invincible ; quelques jours après, elle se trouve loin derrière nous.

J’ai personnellement souvent éprouvé cette sensation d’être au pied d’un mur sans la moindre ouverture. À la veille d’un examen quand j’étais étudiant et me mettais à réviser au dernier moment. Le jour où j’ai décidé d’écrive la vie d’Ératosthène. Lors d’une rupture amoureuse ou avant la naissance de mes deux fils. Dans le boulot quand épuisé je me crois incapable de surmonter certaines difficultés. Puis je passe au travers, j’y laisse parfois des plumes, puis je me redresse. Les révolutions personnelles comme sociales ont ainsi toujours une qualité quantique.

Nous sommes nombreux à nous sentir au bord de quelque chose d’immense, nous avons l’intuition qu’une montagne de plus en plus vaste nous barre la route de l’avenir et qu’elle va soudain se fissurer et laisser passer des hordes de conquérants. Mais aussi-bien il ne se passera rien. Aucun phénomène quantique ne chamboulera nos vies et nous resterons en-deçà de la muraille.

Les probabilités sont pourtant favorables à un grand bouleversement. Si nous ne réagissons pas, nous risquons de subir les dérèglements climatiques qui impliqueront dans tous les cas une révolution. Et même si ces dérèglements ne surviennent pas, leur éventualité induira d’elle-même la révolution. Plusieurs milliards d’êtres humains ne peuvent plus vivre dans un monde pensé à une époque où ils n’étaient qu’un milliard.

Dans quelques heures, plus rien ne sera peut-être jamais comme avant. C’est excitant de vivre avec cette idée. Elle m’habite depuis l’enfance. Je professe depuis toujours la révolution. Je ne l’ai jamais senti aussi menaçante.

Cette semaine nous venons d’en percevoir les prémisses. La vidéo de Nicolas Sarkozy bourré a dépassé sur internet l’audience que lui aurait offerte les chaînes télés. Samedi dernier, c’était impossible. Une semaine plus tard, c’est chose faite.

Ce n’est pas la première fois qu’internet dame le pion aux médias établis, on l’a vu aux États-Unis en 2004 avec une autre vidéo, The Land, ou même en France en 2005 lors du référendum européen, mais cette fois cette idée de la fin d’un ordre vieux d’un demi-siècle s’implante plus profondément dans l’esprit des Français.

Il reste encore beaucoup de travail, il faut traverser toute la montagne bâtie depuis la révolution industrielle. Impossible ? Non. Comme pour les particules élémentaires, il n’y a rien d’impossible pour les hommes qui n’ont pas oublié de rêver.