La peer democracy est mon cheval de bataille depuis que je me suis lancé dans Le peuple des connecteurs en 2005. J’évoque sans cesse cette possibilité, spécialement à la fin du Cinquième pouvoir, et ce petit billet de Vasilis Kostakis découvert par Florent a réveillé mon intérêt.

Brève critique de la démocratie représentative

  1. Le représentant, élu par le peuple, se retrouve le temps de son mandat au-dessus du peuple, au moins hiérarchiquement. Ainsi la démocratie représentative est profondément inégalitaire.
  2. Cette structure hiérarchique ne favorise pas la gestion des crises propres à la complexité. La démocratie représentative souffre d’un manque de souplesse, de réactivité, de dynamisme… Elle est moins statique que les anciens régimes mais encore trop engluée dans un rythme immuable, celui des élections, rythme sans rapport avec celui des évènements socioéconomiques comme climatiques.
  3. L’inégalité hiérarchique pousse les citoyens à renoncer à leurs responsabilités faisant tout reposer sur les élus. Cette délégation ne favorise pas l’émergence d’une intelligence collective pourtant vitale en temps de crise.
  4. Les compétences exigées pour être élus n’ont aucun lien avec celles exigées pour gouverner.
  5. La hiérarchie implique une distribution inégale de l’information, donc la rétention d’information. Les individus capables de traiter au mieux ces informations ne les connaissent peut-être pas. La hiérarchie réduit les possibilités.

La démocratie non-représentative

  1. C’est une société d’égal-à-égal, mise en œuvre dans le monde du logiciel libre, du P2P et d’internet en général. On peut en trouver d’autres exemples historiques. J’ai évoqué il y a peu les Apaches.
  2. La structure horizontale plutôt que verticale favorise la communication interindividuelle, la réactivité, l’émergence de l’intelligence collective.
  3. Puisqu’il n’y a plus de représentant chacun est responsable. Si nous voyons un pauvre, c’est de notre seule faute. Si nous en avons les moyens, nous devons l’aider. L’entraide émerge alors d’un réseau d’entraide (les forums sur internet) plutôt que d’une volonté supérieure incarnée par l’État.
  4. Les structures hiérarchiques peuvent apparaître mais ponctuellement : des hiérarchies de projets où des leaders prennent les commandes uniquement le temps des projets. En fait, la hiérarchie n’apparaît que si elle apporte un bénéfice et uniquement pendant cette durée.
  5. La décentralisation est corolaire de l’égalité. Des institutions centralisées impliquent en elles-mêmes une forme de hiérarchie. Ce que nous appelons aujourd’hui l’État devient une structure dynamique qui, elle aussi, émerge des interactions entre les individus. L’État serait la somme des réseaux d’entraide.

Je suis favorable à la démocratie non-représentative parce que je crois tout simplement que nous devons changer l’organisation de notre société pour faire face aux nouveaux défis du monde. Nous avons besoin de plus de réactivité, de plus de souplesse, de plus d’intelligence…

Mon amour de la liberté, mon côté hacker au sens défini par John Brunner, n’ont rien à voir dans ma position. Je me borne à constater que beaucoup de choses ne fonctionnent pas au mieux et cherche des solutions pour les améliorer.

Cette démocratie non-représentative pourrait être le sujet d’un de mes prochains livres. Il faudra que j’en parle à mon éditeur, faut aussi que je creuse le sujet.