Thierry CROUZET
Pacco
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Un mur entre deux mondes

Ces deux visions n’opposent pas des pays, des générations, des entreprises, des religions… mais des hommes peu importe leur milieu social, leur nation ou la couleur de leur peau. Pour ne rien simplifier, ces deux visions s’interpénètrent et se brouillent.

D’un côté nous avons, les autoritaristes, de l’autre, les libertariens (je préfère les appeler freemen ou hommes libres). Ces deux termes effraient. Vous vous dites sans doute je suis ni l’un ni l’autre. Et vous avez raison. La réalité n’est pas aussi simpliste. En plus, autoritariste fait penser à dictateur, libertarien à ces fouteurs de merde d’anarchistes. « Non, ce c’est pas moi. » Et pourtant !

Pensez-vous que certains hommes travaillent mieux si certains autres hommes leur disent quoi faire ? Pensez-vous qu’il existe toujours des méthodes pas à pas pour résoudre les problèmes ? Pensez-vous qu’un expert doit toujours être consulté avant de prendre une décision sociétale ? Pensez-vous qu’il faut créer des commissions internationales et des organisations supranationales ? Pensez-vous que les entreprises doivent posséder des organigrammes clairs ? Pensez-vous que les choses doivent être délimitées, les champs d’action bornés, les initiatives régulées ?

Si oui, même un tout petit oui, à l’une de ces questions, vous êtes un tant soi peu en faveur de l’autoritarisme. Au fond, vous pensez que certains peuvent commander à d’autres pour favoriser l’intérêt général.

Maintenant si vous pensez que collectivement les hommes sont plus intelligents que quelques uns, vous commencez à être libertarien. Si, pour vous, le collectif est plus fort que quelques individualités, si les chefs ne sont pas tout-puissants, ne sont même pas une nécessité, vous êtes un peu plus libertarien. Vous l’êtes d’autant plus si vous vous sentez responsable de ce qui ne va pas dans le monde et ne rejetez pas la responsabilité sur d’autres.

Pour résumer, le libertarien pense que des hommes libres et responsables sont plus à même de construire une société harmonieuse que les managers, les chefs, les élites, les élus… Ils favorisent les organisations en réseaux décentralisés alors que les autoritaristes favorisent les structures pyramidales.

Le cinquième pouvoir est ainsi une force libertarienne, une force libre. Les citoyens en s’auto-organisant espèrent améliorer la société. Contrairement à ce que beaucoup de gens croient, le cinquième pouvoir n’a rien à faire dans un processus électif qui consiste à placer des hommes au pouvoir dans une stratégie autoritariste.

En revanche, il peut se manifester pour empêcher que des erreurs, selon son analyse collective, ne soient commises. Par exemple, il participa au débat autour de la constitution européenne. Un référendum, qui ne présente pas une lutte de pouvoir, mais une lutte entre des idées, est un des seuls terrains électifs où le cinquième pouvoir peut s’investir (et a une chance de jouer un rôle).

Dans les faits, personne n’est purement libertarien, personne purement autoritariste. En nous, il y a toujours du docteur Jekyll et du mister Hide.

À l’image du cinquième pouvoir, l’évolution biologique est une force libertarienne. Elle s’appuie sur l’auto-organisation. Mais l’autoritarisme n’est jamais loin. Quand un météore tombe sur le Yucatan et extermine les dinosaures, c’est une sorte d’ordre venu d’en haut qui s’impose à tous. Ainsi le hasard est un moteur d’autorités dans la vie, des autorités qui se contredisent, se renforcent et engendrent des structures stables qui se maintiennent loin de l’équilibre thermodynamique par auto-organisation.

De même dans une dictature, les forces libertaires sont à l’œuvre. Si ce n’était pas le cas, elles ne réussiraient pas s’émanciper et nous vivrions tous en dictature.

Une infinité de mondes est possible avec divers dosages d’autoritarisme et de libertarisme. Internet est essentiellement libertarien, même si les nombreuses structures qui le développent sont souvent pyramidales. Nos sociétés, dominées par les hiérarchies, reposent souvent sur un dosage inverse.

Aujourd’hui nous comprenons assez bien quand les structures pyramidales sont efficaces (situations simples, petite échelle, avenir sans surprise, méthodologies connues…) et quand les structures auto-organisées le sont (situations complexes, vaste échelle, avenir imprévisible, évolution exponentielle…). Notre civilisation étant le plus souvent dans la seconde configuration, nous devrions favoriser l’attitude libertarienne.

Malheureusement, les hommes qui prennent goût au pouvoir à petite échelle ont tendance à vouloir l’étendre aux grandes échelles. Nous devons nous guérir de ce mal sans quoi nous allons faire d’énormes bourdes en tentant d’appliquer des approches inappropriées.

Notes

  1. Le cinquième pouvoir peut s’auto-organiser grâce à internet.
  2. Internet est un nouveau territoire, un nouvel outil, un nouveau média… Il devient ainsi une arme électorale. Nous avons par exemple joué avec lui durant la campagne présidentielle.
  3. Maintenant, tout ce qui touche à internet ne touche pas nécessairement au cinquième pouvoir. On peut faire de la politique sur internet sans participer au cinquième pouvoir. Les deux choses n’ont pas nécessairement de rapport.
Manuel Vila @ 2007-10-02 08:51:10

En un mot, bravo !

http://jyte.com/cl/extreme-p2p-is-not-better-than-extreme-centralization

swimmer21 @ 2007-10-02 11:57:42

En gros, tu nous invites à penser par nous mêmes ?

Je suis d’accord avec ton analyse en tons de gris du monde.

Henri A @ 2007-10-02 12:15:49

A Thierry la fronde:

Je trouve les propos dans le lien que tu propose un peu simpliste. Comment penser le graphe : gauche - droite / fascisme - anarchisme avec les travaux de cette femme ?

http://www.dailymotion.com/relevance/search/%22le+choix+de+la+d%C3%A9faite%22/video/xztbh_le-choix-de-la-defaite_events

C’est long, mais très instructif meme en iaginant que 50% de ces travaux sont valables pour les détracteurs.

Manuel Vila @ 2007-10-02 13:03:28

Je n’ai pas tout lu mais je trouve le schéma véritablement fascinant car je vois encore une fois le mécanisme de centralisation/décentralisation qui est à l’oeuvre. En abscisse il y a a le système économique, les richesses sont plus ou moins bien réparties (décentralisées). En ordonnée il y a le système politique partant de l’anarchisme (décentralisation extrème) et allant jusqu’à l’autoritarisme quand le pouvoir est trop concentré (centralisé).

Paul de Montreal @ 2007-10-02 13:28:22

Thierry est en grande forme :) il nous écrit un article de qualité par jour.

Je voudrais aider cette dynamique en apportant mon raisonnement logique.

Thierry,

Essayes d’appliquer tes principes de liberté et d’auto-organisation à ta propre vision.

En math c’est ce qu’on appelle la réflexivité. Un peu comme un philosophe qui appliquerait à lui même sa philosophie. Ca lui donne davantage de crédibilité et de force.

Alors qu’est ce qui en découle de ce principe de réflexivité ?

Beaucoup de choses ! quoi, vous voules des précisions ?

Ok rapidement.

Au nom de la liberté, il faut laisser plusieurs types d’organisation se mettre en place que ce soit au niveau national ou local/régional/provincial et pas une seule que ca soit top down, bottom up ou auto-organisation. Laisser plusieurs religions, courant politique, type d’économie, etc ...

En développant plusieurs systèmes, on multiplie les expérimentations et suivant le contexte certains disparaissent, d’autres survivent ou explosent.

L’internet regroupe toutes ces expérimentations et différentes cultures. Il ne faut pas l’homogénéiser trop sous peine d’y perdre du contenu et des idées.

Manuel Vila @ 2007-10-02 13:35:13

Il faudrait vraiment une fonctionnalité permettant d’éditer ses commentaires. Dans mon message précédent, quand je dis que "je n’ai pas tout lu" il ne s’agit pas du billet de Thierry bien sûr, il s’agit du site correspondant au lien indiqué... ;)

Thierry Crouzet @ 2007-10-02 15:50:26

@Paul Bien sûr c’est pour ça que la méthode de l’essaie et de l’erreur est indispensable. On ne peut savoir a priori qu’elle est la bonne méthode.

@Manuel Laisser éditable les commentaires, c’est la porte à tout et n’importe quoi. Quand on se trompe, il vaut mieux revenir par un autre com. Et on se moque des erreurs de frappes.

Paul de Montreal @ 2007-10-02 17:14:04

On ne peut savoir a priori qu’elle est la bonne méthode.

Oui et il y a souvent plusieurs bonnes méthodes, pas qu’une seule. Dans un contexte precis, on peut trouver sans doute la plus optimale.

Laisser éditable les commentaires, c’est la porte à tout et n’importe quoi

C’est pourtant de base dans les forums de discussion.

De plus j’ai remarqué que quand j’ai changé mon profil (avec un lien) ca ne change par mes precedents posts comme sur un forum. C’est un peu archaique.

Vive le forum ! :D

Gaston L. @ 2007-10-02 23:21:54

Chez les papous, il y a des papous à poux et des papous papas

il ya donc chez les papous, des papous papas à poux, des papous pas papa à poux, des papous pas papas pas à poux et des papous papas pas à poux.

Mais chez les poux, il y a des poux papous et des poux papas.

Donc chez les papous il y a des papous papas à poux papous papas, des papous pas papas à poux papas papous, des papous papas à poux papous pas papas,des papous papas à poux pas papous pas papas, des papous pas papas à poux paspas pas papoux...etc...

Henri A @ 2007-10-02 23:26:07

A Gaston L :

C’est ce que l’on appelle des maths.

Gaston L. @ 2007-10-02 23:26:36

"à poux papas pas papoux...etc..." désolé pour la faute d’eaurrrtaugraphe à la fin ;-)

Gaston L. @ 2007-10-02 23:48:37

à Henri A.:

Voici un nouveau jeu. Il s’agit de reconnaitre à quelle théorie, théorème ou démonstration le passage suivant appartient:

"en conséquence une formule est une suite finie de nombres naturels et une figure de démonstration, une suite finie de suites finies de nombres naturels. les concepts (ou propositions) méta mathématiques deviennent ainsi des concepts (ou propositions) portant sur des nombres naturels ou des suites de nombres naturels, que l’on peut donc (du moins en partie) exprimer par les symboles du système PM lui-même."

Gaston L. @ 2007-10-02 23:54:51

Pour l’autre c’était en fait un code en morse (il faut le répéter pour saisir le rythme)

:-)

lespacearcenciel @ 2007-10-02 23:57:37

Oui, oui et Oui !!!

"1. Le cinquième pouvoir peut s’auto-organiser grâce à internet.

  1. Internet est un nouveau territoire, un nouvel outil, un nouveau média… Il devient ainsi une arme (De la paix) électorale. Nous avons par exemple joué avec lui durant la campagne présidentielle.

  2. Maintenant, tout ce qui touche à internet ne touche pas nécessairement au cinquième pouvoir. On peut faire de la politique sur internet sans participer au cinquième pouvoir. Les deux choses n’ont pas nécessairement de rapport."

Et moi je dis :

Un chef d’état qui a à faire à des moutons se comportera en parfait mouton de tête.

Un chef d’état qui a à faire à des êtres conscients (De leur souveraineté) ne pourra plus se comporter comme dans le passé.

Tout dépend de nous toutes et de nous tous à avancer vers une certaine logique consciente. Thierry appelle celà le cinquième pouvoir, peut importe le nom qu’on lui donne, l’essentiel étant d’avancer vers du mieux, tous ensemble. Amen ;-)

Amitiés :-)

Henri A @ 2007-10-03 00:01:50

Ben c’est un truc qui ressemble au machin de Godel, que j’appellerai tout simplement du codage, tel que c’est exprimé.

Gaston L. @ 2007-10-03 00:03:02

Ha ! Gagné ! ( il est trop fort ce Henri ;-) )

Iza @ 2007-10-03 12:10:02

Trop fort ce Henri... mais il est dopé en réalité (au Célestene, hi hi) ...

Pour le reste, juste mon habituelle pierre (auprès de ceux qui ont lu ça cent fois déjà, je m’excuse, pour les autres....) :

"le libertarien pense que des hommes libres et responsables...."

Il faut donc rajouter à ton curseur allant de "autoritaire" à "libertaire" cette dimension. Mathématiquement parlant, tu fais bouger un paramètre en ayant posé l’hypothèse que l’homme est "libre et responsabke" . or ce n’est hélas pas le cas.

Bon nombre de gens pourraient donc te répondre que, compte tenu de ce léger détail, leur raison penche du côté auroritaire, supposant que, les hommes n’étant ni tout à fait libres, ni tout à fait responsables, il est "moins pire" de les diriger.

Le mouvement le plus urgent à opérer devenant donc, non pas de déplacer le curseur vers "plus libertarien", mais bien (et avant tout ... mais ça se discute) de "peu libre -dans sa tête- et peu responsable" à "libre et responsable".

Attention, je parle bien de compétences, de capacités d’analyse critique, de capacité à interroger les lieux communs, les représentations et... la publicité (au hasard). En un mot la résistance à la manipulation, pas la peine de vous faire un dessin.

Car en effet, je connais l’argument de certains qui tend à dire : les hommes ne sont ni libres ni responsables parce qu’ils sont deresponsabilés par le système lui-même. Liberez les, et ils deviendront magnifiquement responsables par l’opération magique de la liberté.

Personnellement, j’en doute, je me suis souvent exprimée sur ce point. Je ne crois pour ma part qu’à "l’éducation" (mais c’est un terme un peu galvaudé), à l’éducation populaire en réalité (terme galvaudé également mais qui recouvre historiquement quelques principes bien définis)... qui essaie, "by any means necessary", de faire en sorte que chaque homme puisse être un acteur de la société à part entière.

Se pose alors la question de comment peut se faire ce mouvement. L’expansion des technologies est à mon sens une partie de la réponse, mais il manque une partie (accompagement ? pédagogie ? mise à niveau ? ....) et se pose (cruellement) la question de qui le fait, de qui paye .... etc... et là...je vous avoue que j’ai bien des espoirs, mais encore peu d’idées.

Thierry Crouzet @ 2007-10-03 12:19:55

Oui Iza... c’est toute la difficulté. Pour moi libre= responsable et on l’est jamais tout à fait. C’est encore une fois par l’éducation qu’on responsabilisera... et en plaçant les gens face à leurs responsabilités.

Laurent @ 2007-10-03 14:07:06

Globalement d’accord, je pointe cela dit une divergence avec le fait qu’internet est "essentiellement libertarien". j’ai bien noté que les structures ne le sont pas, mais je pense également que la "blogosphère" (pour parler d’elle) n’est pas si libertarienne qu’elle s’en donne l’air.

Un exemple, très bête : on ne cesse de parler de l’influence d’untel ou unetelle blogueur ou blogueuse. L’influence est évidemment un attribut du pouvoir.

Les réseaux des blogs répondent plus qu’on ne le croit à des rapport de hiérarchie, certes informels, mais existants. Sous la "coolitude", le pouvoir...

(je suis sensible au sujet car je viens de publier un billet à ce propos :-)

Une dernière chose : je recommande chaudement la lecture d’un grand livre de Henri Atlan (le cristal et la fumée) à propos des organisations qui secrètent et s’enrichissent de "bruits". La dialectique "autoritarisme" / "libertarisme" me semble correspondre (de loin) à ce modèle.

Iza @ 2007-10-03 18:13:23

hé pacco, c’est WANG de Bordage ton dessin ...

reivilo @ 2007-10-03 19:41:15

Toujours le même discours, toujours la même idéologie : le libéralisme.

Les individus ne sont ni libres, ni responsables. Ce ne sont que des catégories de perception. Elles sont dominantes et vous donnent ainsi accès à la réalité sur des bases communes. Le seul problème, c’est de passer à côté de la réalité : l’homme est déterminé.

pacco @ 2007-10-03 20:21:51

Iza, c’est marrant maintenant que tu m’en parle, je me souviens que j’ai lu ce livre.

Le plus dingue c’est qu’aux États-Unis cette idée du mur n’est plus de la S.F.

Garbun @ 2007-10-03 21:32:52

@Reivilo: pourrais-tu développer ton idée selon laquelle l’homme est déterminé?

Iza @ 2007-10-03 21:40:57

mouaich. Il y a Faust de Serge Lehman aussi. Ce n’est même plus de l’anticipation, hélas, tout comme "demain, une oasis" d’Ayerdhal dont nous parlait Thierry il y a quelques mois...

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