Je crois qu’une grande confusion subsiste sur ce que pourrait être le cinquième pouvoir. On l’associe parfois à cette capacité que nous avons de nous informer les uns les autres, donc de palier les imperfections du quatrième pouvoir.

Je pense que telle n’est pas sa fonction, notamment parce que des informations supplémentaires, même de nature différente, surajoutées à immensément d’informations constitue plus un inconvénient qu’un avantage. En ce sens, j’ai tendance à ranger aujourd’hui les médias citoyens dans le quatrième pouvoir de même que tous les blogs qui commentent l’actualité et propagent des actualités parallèles.

Informer n’est un pouvoir que quand on est seul à informer. Quand tout le monde informe tout le monde, nous vivons dans un monde dominé par la désinformation car pour être entendu, il faut choquer, mentir, tricher…

Par opposition à la connaissance, l’information m’apparaît comme un opium du peuple. Plus nous sommes informés, moins nous sommes aptes à vivre dans un monde dominé par les improbables. Plus nous sommes informés, moins nous sommes connaissant, ne serait-ce que parce que nous consacrons trop de temps à l’information par rapport à celui consacré à la connaissance.

Le cinquième pouvoir ne doit pas participer à cette mascarade informationnelle. En le faisant, il favorise justement ceux qui bénéficient de la confusion informative, notamment les gouvernants qui, avec l’aide inconsciente des journalistes, nous bercent avec des fables inconsistantes. Plus nous sommes informés, moins nous jugeons avec justesse la réalité, explique Taleb, moins nous sommes capables d’agir en bonne intelligence.

Si le cinquième pouvoir veut exister, il doit se recentrer sur le terrain de l’action et non pas sur celui de l’information. En nous regroupant, nous pouvons faire changer pas à pas de petites choses, comme vient de le prouver récemment l’affaire HSBC sur facebook. C’est en informatique que le cinquième pouvoir est aujourd’hui le plus actif par l’intermédiaire de la classe des hackers. Cette classe se glisse peu à peu dans tous les rouages du capitalisme gagnant-perdant. Elle a des actions positives et non seulement contestataire.

En France, lors des municipales, le cinquième pouvoir pourrait jouer un rôle si quelques citoyens réussissaient à briser le dictat de l’information. Une liste citoyenne pourrait filmer chacun des citoyens afin de créer une télé locale. Cette télé ne diffuserait pas des informations mais des critiques, des rêves et des connaissances. Une politique de la ville pourrait se dessiner peu à peu. Elle s’opposerait à la politique pensée par un comité restreint qui tenterait de l’imposer à tous.

Nous ne devons pas perdre notre temps à propager des bruits. Nous devons diffuser des connaissances, des pensées, des idées… et contester celles acquises par le passé. Il faut sans cesse appliquer la méthode de l’essai et de l’erreur, exercice qu’un simple récepteur d’information oublie de pratiquer. Le cinquième pouvoir doit prendre exemple sur Wikipedia et se mettre au travail, discrètement, sans vague, accumuler peu à peu les connaissances et les actions concrètes.

Il ne doit surtout pas chercher à se confronter au pouvoir en place, notamment le pouvoir global qui n’a aucune influence notable sur la société. Le cinquième pouvoir n’a pas pour but d’être un contre pouvoir mais un a-pouvoir qui obéit à la la logique de l’auto-organisation. « J’ai un pouvoir quand je suis capable de mener à bien un projet. » Le cinquième pouvoir dominera la société le jour où la plupart des réalisations sociales seront issues de lui. Le cinquième pouvoir est une force auto-organisationnelle.

Notes

  1. Je sais qu’il n’est pas simple de séparer information et connaissance.
  2. Une information peut devenir une connaissance et réciproquement.
  3. Par information, j’entends le bruit de fond. Un tel a fait ça, un autre ça. Mais non, en fait il a fait ça. Lui a dit ça parce que… non parce que… non parce que… Ce bruit domine les médias qu’ils soient citoyens ou non.
  4. Lorsque Chouard a critiqué le projet de constitution européenne, il n’est pas tombé dans le piège de l’information. Il a construit une critique argumentée, c’est ainsi qu’il a participé à l’histoire du cinquième pouvoir.