Thierry CROUZET

Suis-je existentialiste ?

Hier, une amie libraire me conseille de lire Lettre à D, Histoire d’un amour. Dans ce texte écrit en 2006, un texte qui possède une lumière limpide que seules les personnes âgées sont capables de produire, André Gorz dit à sa femme âgée de 82 ans tout ce qu’il a oublié de lui dire, il lui jure de mourir avec elle lorsque sa terrible maladie l’emportera. En septembre dernier, ils se sont suicidés. À côté de son histoire d’amour, Gorz raconte son histoire intellectuelle, il évoque l’écologie politique dont il fut un des premiers partisans et définit les existentialistes comme des « gens décidés à « changer de vie » sans rien attendre du pouvoir politique, en entreprenant de vivre ensemble autrement, de mettre en pratique leurs fins alternatives. » Les connecteurs seraient donc des existentialistes.

Iza @ 2007-11-04 13:58:28

Oui ! Henri m’en avait parlé et j’avais vu passer un bout de texte :

""Tu vas avoir quatre-vingt-deux ans. Tu as rapetissé de six centimètres, tu ne pèses que quarante-cinq kilos et tu es toujours belle, gracieuse et désirable. Cela fait cinquante-huit ans que nous vivons ensemble et je t’aime plus que jamais"

... j’aimerais assez le lire effectivement.

Dans un genre ...euh... bougeant, j’ai lu "derniers fragments d’un long voyage" de Christiane Singer, à rapprocher plutôt de la discussion sur l’instant présent que nous avions chez pacco il y a quelques temps.

Henri A @ 2007-11-04 17:42:38

« Les connecteurs seraient donc des existentialistes. »

Cela dépend. Ceux qui critiquent durement l’essentialisme peut-être, vu que le contraire est l’existentialisme. Mais cela dépend aussi de ce que l’on entend par existentialisme.

La définition qu’utilise Thierry n’est pas exactement celle d’un Sartre.

Pour ma part je me sens proche d’un existentialisme à la Jean -Yves Girard ( le logicien ). Dans les derniers travaux à la pointe en logique mathématiques, on abandonne l’essentialisme ( l’essence, des règles immuables qui viendraient d’en haut ou d’en dessous, de quelque part d’inaccessible ) pour une sorte d’existentialisme ( pas d’essence mais une dynamique, et des règles qui s’usent quand on s’en sert ).

Le billet de Thierry est pratiquement un aboutissement de certaines choses que j’ai essayé d’instillé depuis un moment.

swimmer21 @ 2007-11-04 18:14:11

Je suis assez d’accord avec Henri. Je pense que le "traité de l’efficacité" et les autres livres de François Jullien se rapproche de cela. Cette dynamique, il la nomme fonds d’immanence. Les règles, des processus. A la fois fugaces et immuables, différents et identiques, en perpétuelle transformation, comme la vie.

J’ai bien aimé le livre de C Singer. J’ai ressenti de la colère dans sa manière d’écrire. Cela ne me correspond pas trop.

Thierry Crouzet @ 2007-11-04 18:32:22

Je me suis pas intéressé à l’existentialisme depuis très longtemps... j’avais en tous cas rejeté la positon de Sartre parce qu’elle était systémique... Le postulat de la liberté... Toutes ces choses qui laissent l’édifice par la suite très fragile même si logique.

Quel livre de Singer ? J’ai du zappé un truc !

Dilbert @ 2007-11-04 21:51:28

T’es obligé de faire le postulat de la liberté, car la liberté est indémontrable, mais c’est une hypothèse raisonnable et utile.

Si ça vous intéresse, une de mes divagations encyclopédiques : déterminisme

Thierry Crouzet @ 2007-11-04 22:09:14

Le déterminisme comme tu le définis est souvent appelé plus justement causalisme... ce qui évite les confusions avec la mécanique quantique. Le causalisme strict interdit la liberté comme l’a démontré l’année dernière le père du jeu de la vie. Il n’y plus vraiment de compatibilité comme tu le supposes dans ton papier.

En le lisant rapidement, je me suis souvenu des raisons de mon rejet de l’existentialisme Sartrien. Le solipsisme. Pour moi le réel existe indépendamment de notre perception.

Je suis existentialiste car je suppose que nous vivons dans un monde non causal (tout au moins à notre échelle), il y a donc de la place pour la liberté, cette liberté est fondatrice... Je parle un peu de tout ça dans Le peuple des connecteurs.

Dilbert @ 2007-11-04 22:33:21

Je ne pense pas que Sartre puisse être qualifié de solipsiste (d’ailleurs il n’y a pas de philosophe solipsiste, à ma connaissance, même Berkeley ne l’est pas).

"Le réel existe indépendamment de notre perception", certes, mais justement nous n’avons que notre perception pour le connaître, et notre "faculté de connaître" façonne la connaissance que nous en avons. D’où l’importance de Kant dans mon article.

Effectivement, quand tu parles de "liberté fondatrice", tu es existentialiste, mais aussi peut-être nietzschéen ou même kantien. Même si la causalité existe partout (les "motifs" d’agir en font partie), nous devons faire "comme si" nous étions libres, même les matérialistes (dont je ne suis pas) partisans d’un déterminisme absolu l’admettent.

Iza @ 2007-11-04 22:45:50

la causalité... c’est curieux ce que je m’interroge à ce sujet ces derniers temps. Tu en parlais dans le Peuple des connecteurs, c’est vrai. La complexité... tout ça...

Je me rends compte qu’on trouve ce... cette maladie... à tous les niveaux. l’info n’est traitée que de cette façon, il faut toujours un coupable, il faut toujours un amont et un aval à des évènements qui sont bien souvent la résultante d’un écroulement de sable comme tu l’eepliques souvent. Facile pour désigner des boucs émissaires, facile pour entretenir la peur (comme dans ton histoire de cyber guerre)....

Au niveau du citoyen lambda, on retrouve cette tendance partout... un peu décomposée par le café du commerce ça donne des raccourcis saisissants, une vraie perversion du raisonnement. Les causalités deviennent des traits grossiers, des vecteurs taillés dans des arbres.

Tous autant qu’on est, on fait mine d’ignorer, mais on n’en sort jamais intacts. Ces temps ci, je suis souvent malade. C’est plus fort que moi, je cherche la cause. Je devrait dire : je cherche la faute.

La cause, la faute, la culpabilité. mon dieu (!) que tout cela est lourdingue.

C Singer, c’est moi qui en parle dans mon commentaire n°1 Thierry.

De la colère, swimmer ? je ne sais pas. Je n’ai pas vu ça. De l’agitation peut être, dûe à la peur. mais de la colère, non. Au contraire, de la lucidité, de l’intensité. J’ai trouvé ça exaltant quand même. Effrayant et exaltant. j’aurais voulu avoir le cran de l’offrir à ma grand-mère qui a 99 ans. mais je me suis dégonflée.

Paul de Montreal @ 2007-11-04 22:57:20

@Dilbert

J’ai consulté ton wiki.

Quel travail pour créer cette encyclopédie j’imagine vu le peu de contributeurs !

Sauf que je cherche une certaine objectivité dans une encyclopédie et exactitude ce qui n’est malheureusement pas vraiment le cas des qq articles pris ici ou là. D’ailleurs la couleur est annoncé : 1 point de vue libéral.

Imaginez une encyclopédie chrétienne ou communiste. :D

C’est une forme plus ou moins sophistiqué et dangereuse de désinformation partisane.

Ce que je disais a un témoin de Jehova, pensez par vous-même et pas suivant tel livre ou tel dogme.

Si vous voulez progresser dans la connaissance, ne caricaturez ni ne déformez pas le discours de votre interlocuteur (sauf quand vous plaisantez).

En tous cas merci car j’ai trouvé dans socialisme une vieille affiche socialiste Française démagogique "tout est possible" et amusante :D car c’est un slogan qu’a repris mot pour mot S.zyzy et dont je me moque.

swimmer21 @ 2007-11-04 23:32:48

Sur les chemins explicatifs, voir les travaux de Maturana et Varela qui indiquent qu’il y a deux chemins explicatifs, l’objectivité entre parenthèses et sans parenthèses.

Histoire de réconcilier tout le monde !

Henri A @ 2007-11-05 00:11:07

« Je ne pense pas que Sartre puisse être qualifié de solipsiste (d’ailleurs il n’y a pas de philosophe solipsiste, à ma connaissance, même Berkeley ne l’est pas). »

Le solipsisme a été une thèse implicite pour des idéalistes et des phénoménalistes, cela fait quand même du monde !

Le déterminisme, la causalité et ce genre de choses sont des outils, pas plus, mais pas moins non plus.

A Paul:

Tout à fait d’accord !

Sauf:

« Imaginez une encyclopédie chrétienne ou communiste. »

« Notre» encyclopédie est implicitement occidentalo-capitalo-judéo-chrétienne il me semble.

La dessus Dilbert est honnête.

J’imagine qu’une encyclopédie « communiste » a existé.

Paul de Montreal @ 2007-11-05 02:30:18

A Henri :

« Notre» encyclopédie est implicitement occidentalo-capitalo-judéo-chrétienne il me semble.

Oui la remarque est pertinente et je pourrais en rester là si j’étais moins bavard. ;)

a. N’oublions pas le but d’objectivité et de neutralité que peuvent se donner les rédacteurs même si dans l’absolu c’est souvent (ou toujours?) inaccessible. Ici le but affiche clairement d’exprimer les points de vue libérale et libertaire.

b. N’oublions pas le contexte de la première encyclopédie et des Lumières qui voulaient s’émanciper et sans être vraiment athée en tous cas plusieurs étaient déistes ou panthéistes.

C’est dans cet esprit là que j’aborde une Encyclopédie.

satured de la politique @ 2007-11-05 16:06:39

Eclairez moi un peu. Lorsque j’entendais parler de déterminisme (à quelque niveau qu’on puisse l’appliquer : le monde dans lequel on vit, celui qui vit dans le monde, sa manière de penser le monde, sa manière d’agir sur le monde, la vie elle-même, etc...) revenais en back ground cet adage scientifique "rien ne se perd, rien ne se crée" . Cet adage me semblait être une définition assez stable de ce que l’on entendait par "déterminisme".

SI les choses ont changé à ce point, il va falloir m’expliquer ça. Parce que là, je nage totalement !

satured de la politique @ 2007-11-05 16:09:19

Le déterminisme me semblait mort et enterré une fois qu’il avait été prouvé que des choses pouvaient se perdre, ou se créer. J’ai un peu de mal à tous vous suivre. éclairez ma lanterne.

satured de la politique @ 2007-11-05 16:11:36

EN tout cas, pour ce qui est du destin tragique de l’auteur, je vous annonce tout de suite que je ne suivrais pas le jeune Werther dans sa tombe.

Henri A @ 2007-11-05 16:53:37

A satured de tout :

Quand je dis:

« Je marche dans la rue en mangeant une banane ( ou autre chose de mangeable ) », j’imagine que tous les humains ont expérimenté la chose un jour ou l’autre.

Quand un philosophe dit:

« Le monde est déterminé » ou le contraire, « rien ne se perd, rien ne se crée » ou le contraire ; ces choses sont dites avec la même nonchalance que l’exemple précédent.

Dois-je marcher dans la rue en essayant de savoir en permanence ce qu’il se passe de l’autre coté de l’univers ?

Le « déterminisme« , la « causalité » et « l’énergie » , pour prendre ces exemples, sont des mots piégés, à utiliser dans un contexte bien particulier et de façon « utilitariste » en évitant les généralisations.

« A implique B » est un outil humain.

Le chat qui poursuit une souris, se dit-il en lui-même ; ces traces dans le sol et les odeurs appartiennent à une souris, si je les suis, je risque d’attraper une souris ?

Une termite se dit-elle : avec un peu d’huile de coude et si tout le monde s’y met on va construire un monticule de un mètre ?

Une pomme qui se décroche d’un arbre, se dit-elle ; avec cette putain de gravité je vais m’écraser lamentablement sur le sol ?

Dans le « rien ne se perd, rien ne se crée », il faut penser ( si cela a un sens ) à tout l’univers en même temps, dans toutes ses dimensions, si la théorie est juste.

satured de la politique @ 2007-11-05 17:45:25

Bon comme vous le dites Henri, lorsqu’on parle de déterminisme, il faut toujours mentionner sur quoi porte le déterminisme car c’est toujours "le déterminisme de quelque chose". C’est en effet ce qu’il me semblait avoir compris jusqu’à maintenant.

Mais dans certains commentaires, j’avais l’impression qu’il prenait la dimension beaucoup plus étendue qui correspondait à "rien ne se perd, rien ne se crée". Vous comprennez aisément mon désarroi d’avoir cru voir qu’il restait encore quelque quidam qui en était resté au 17 ème siècle.

Comme vous l’avez bien réaffirmé, il ne s’agit pas d’user de ce mot à propos de n’importe quoi (puisqu’il a déjà été usé et invalidé dans pal mal de contextes). Autant pour moi, Je tenais à ce que cela soit bien éclairci pour tous.

Henri, vous nous êtes toujours d’un précieux secours.

Paul de Montreal @ 2007-11-05 18:32:38

La formule reste exacte si on se place du point de vue d’un infiniment petit (suffisament petit) pour interpreter et comprendre l’univers.

"Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme"

dit dans une optique chimique ou "atomiste".

Je pensais que la formule venait du chimiste français Lavoisier mais wikipedia indique qu’il l’a repris d’un philosophe pre-socratique Anaxagore de Clazomènes.

http://fr.wikipedia.org/wiki/Antoine_Lavoisier

Selon le philosophe, toute la matière se trouve sous forme d’atomes, particules infiniment petites.

J’ai appris dans un documentaire scientifique que nos atomes (éléments chimiques) se sont constitué suite à des réactions nucléaires (fusion) succesives de tres grosses étoiles.

La nucléosynthèse

http://www.astronomes.com/c3_mort/p323_nucleos.html

Origine de la matiere: de l’hydrogène à l’uranium

http://www.impactcampus.qc.ca/science/20061212/002488.html

satured de la politique @ 2007-11-05 18:59:47

Excellente précision Paul .

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