Thierry CROUZET
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Positionnement pour l’A-parti

Je sais bien que le monde n’est pas tout blanc ou tout noir, qu’il existe une gradation de niveaux de gris mais, malgré mon antiessentialisme primaire, j’aime décrire les choses à l’aide de forts contrastes, sachant que la vérité se trouve quelque part entre les extrêmes.

En discutant avec Alain Bénard à La Réunion, j’ai constaté combien sa position politique est aujourd’hui difficile à définir. Rattaché à l’UMP dont il n’a pas la carte, il me dit être un progressiste : son ambition est de mettre les citoyens volontaires au centre de toutes les décisions.

J’ai alors songé qu’on pouvait classer les hommes politiques en deux camps, en fonction de quelques oppositions de principes, indépendamment de leur alignement politique conventionnel.

  1. Manager/Leader. D’un côté, le chef, sûr de lui, sûr de pouvoir faire des miracles, ordonne de mettre en œuvre ses idées. De l’autre, le leader suggère une idée et demande aux citoyens de réagir, de proposer, de s’entendre… En d’autres mots, des politiciens militent pour le participatif, pour l’intelligence collective, et d’autres pas. Cette opposition dépasse les vieux clivages. Elle stigmatise deux visions du monde. Toutes les autres oppositions découlent de celle-là. Comme le participatif est un passage obligé, je comprends mal ses adversaires… mais Rome ne s’est pas fait en un jour.
  2. Fermeture/Ouverture. Un manager n’aime pas que les étrangers, surtout ses ennemis politiques, se mêlent de ses affaires. Pour ne pas perdre le pouvoir, il ne le partage pas. Au contraire, le leader se moque du pouvoir, il en connait la futilité, la vanité, l’inutilité, il cherche à le distribuer entre le plus grand nombre de mains possibles pour que sa surabondance n’avilisse pas ses détenteurs.
  3. Secret/Transparence. Généralement, le manager, celui qui croit connaître la solution, n’a pas besoin de communiquer car il décide seul. Au contraire, pour que l’intelligence collective fonctionne, les citoyens doivent disposer de toutes les informations disponibles. À priori personne ne peut savoir qui aura une idée géniale. Il faut laisser une chance aux miracles. Plus il y a de citoyens qui participent, plus la probabilité d’un miracle est grande. Le leader n’utilise plus la rareté de l’information comme preuve de sa puissance. Son aura de leader lui vient parce qu’il porte un projet pour l’avenir et qu’il fait accoucher les rêves des citoyens.
  4. Centralisation/Décentralisation. Le manager, pour tenir son pouvoir, doit le concentrer, l’approcher de lui, il ne peut s’empêcher de centraliser (les dictateurs sont toujours des centralisateurs). Au contraire, le leader décentralise car il veut partager le pouvoir entre tous.

Pour résumer, il existe comme Alain Bénard des politiciens qui ont compris que le monde avait changé et que nous devions le gérer différemment. De l’autre, il y a ceux qui ne croient qu’à la méthode autocratique théorisée par Thomas Hobbes au XVIIe siècle et appliquée depuis.

Quand Alain m’a dit qu’il était progressiste, je lui ai répondu que non. Ses adversaires sont des réactionnaires, c’est une certitude, mais lui n’est pas progressiste. Un progressiste veut aller vers le futur à tout prix, il est porteur de rêves en rupture.

Alain n’a pas de tels projets. Il répond juste à la nécessité. Par exemple, sa ville éco-citoyenne ne parait futuriste que pour les réactionnaires. Pour les hommes conscients des maux de notre temps, elle est une réponse évidente aux problèmes climatiques comme aux problèmes sociaux.

Pour moi, Alain Bénard est avant tout un réaliste, un pragmatique, un empiriste. Il laisse les idéaux à ses adversaires. Alain pourrait être un des membres fondateur du A-parti.

Notes

  1. J’avais initialement écrit a-parti, a pour le privatif, pour faire a-politique. En écrivant A, je fais du A-parti le parti premier...
  2. Ce A c’est aussi le @ d’internet.
  3. C’est le A des anarchistes, qui pensent qu’on peut vivre sans commandement central, et qu’il ne faut pas confondre avec les partisans de l’anomie, un monde sans loi. Nous avons besoin de lois fécondes.
  4. En le surlignant, il devient le non-A...
Paul de Montreal @ 2007-12-03 16:45:13

Concernant ton analogie sur les contrastes.

Pour calibrer manuellement mon nouvel écran LCD, j’ai lu un article pour avoir les bonnes couleurs « naturels » avec Adobe Gamma. Le conseil était de mettre le fond en gris.

Avec de fort contraste, notre œil est gêné pour distinguer les nuances plus subtiles.

Certes ce qu’on perd on le gagne côté pédagogie et vivacité de la discussion.

A-parti pour parti Associatif. ;)

Ottakar @ 2007-12-03 22:17:49

A pour Alternatif :)

swimmer21 @ 2007-12-03 23:06:02

Je pense qu’entre le contraste et le niveau de gris, ce qui permet de voir c’est le processus de vision. Au coeur du gris, le processus, au coeur du noir et blanc, le processus.

Je vois entre les contrastes que propose TC le processus qui fait la différence. Il s’agit à la fois de structure et de manières faire, de pratiques. Le processus crédibilise les approches, les orientent dans "le bon sens". Il y a tout un tas de préalables avant qu’une approche devienne productive pour ceux qui y participent. La construction d’une vision partagée en est un.

Je pense que le A-parti est mûr pour aller à l’étape suivante : celle de la constitution d’un projet. Un A-projet avec une vocation, une ambition, des valeurs, des principes d’action et une gestion au quotidien.

swimmer21 @ 2007-12-03 23:07:11

A comme fraternité !

charlie @ 2007-12-04 00:04:22

Quand même, est-ce que 1. Chef/Pas-chef [A-chef] ne collerait pas plus ?

Et est-ce que leader, ce n’est pas quand même une forme de chef ?

Satured de la politique @ 2007-12-04 05:47:42
  1. " Secret/Transparence. Généralement, le manager, celui qui croit connaître la solution, n’a pas besoin de communiquer car il décide seul. Au contraire, pour que l’intelligence collective fonctionne, les citoyens doivent disposer de toutes les informations disponibles. À priori personne ne peut savoir qui aura une idée géniale. Il faut laisser une chance aux miracles. Plus il y a de citoyens qui participent, plus la probabilité d’un miracle est grande. Le leader n’utilise plus la rareté de l’information comme preuve de sa puissance. Son aura de leader lui vient parce qu’il porte un projet pour l’avenir et qu’il fait accoucher les rêves des citoyens. "

Tout se situe effectivement dans ce 3ème point. Que dire de plus, à part que lorsque ce point particulier n’est pas appliqué avec une assiduïté particulière ( il y a long à développer la-dessus, y compris sur le fait de donner les moyens de comprendre l’information) on se retrouve confronté immanquablement à des conflits larvés ou de très mauvaises surprises de part et d’autre. D’ailleurs ceux qui recherchent un conflit utilisent toujours, pour le provoquer, une segmentation et une indisponibilité de l’information.

Je ne connais pas (manque d’information) M. Bénard, j’espère simplement qu’il pratique au moins votre conscience du 3 ème point Thierry (aussi à votre égard), et qu’il saura résister à l’amoindrir si, par exemple, une directive partisane émanant de la métropole venait à chercher à en limiter les bienfaits.

Ce troisième point restera toujours le meilleur de toute civilisation, quelle quelle puisse être. Vous avez déjà dépeint dans d’autres articles combien la création d’un parti était lié à son éllision. Pas de société digne de ce nom sans ce 3ème point. Je suis à 300 % avec vous, à chaque fois là-dessus.

Enfant Terrible @ 2007-12-04 06:02:11

Thierry, pour le dernier point....Merci.

Comme pour la mienne, j’espère que cette expérience là tournera le mieux possible et fera des émules.

Thierry Crouzet @ 2007-12-04 07:41:11

@Charlie Je parle de manager/leader depuis le cinquième pouvoir où j’ai expliqué la différence pour moi... mais a-chef c’est pas mal. Maintenant si je commence à mettre des a devant tout les mots, je ne sais plus qui va comprendre. J’avais déjà dit que le cinquième pouvoir était un a-pouvoir. Mais c’est exactement de ça qu’il s’agit... nous pouvons construire une société en renversant le rôle du chef, des partis, des pouvoirs... Je sans que la discussion au sujet du monde des non-A va repartir.

Ax @ 2007-12-04 11:13:47

"Maintenant si je commence à mettre des a devant tout les mots, je ne sais plus qui va comprendre"

oui.

J’ai l’impression qu’un machin avec un a privatif va rassembler trois pelés deux tondus.

Je vois mal un mouvement de citoyen se constituer autour d’un concept négatif et aussi complexe.

La liberté fait déjà peur aux français. Un concept négatif c’est encore pire que la liberté et son vertige, c’est la négation de l’existant, le gouffre du vide.

Plus on s’explique sur la forme, plus on fait peur et on détourne.

charlie @ 2007-12-04 11:37:00

oui, bon, c’était donc une A-blague ;)

Ax @ 2007-12-04 11:39:09

D’une façon générale il faut se méfier des mots qui commencent par A.

Comme Alberti Henri, coupeur de cheveux en 4.

Ax

Iza @ 2007-12-04 13:06:37

ah enfant terrible, j’étais sûr que tu serais content.

Pour travailler beaucoup sur les groupes... je partage ta définition manager-leader, bien que cette opposition soit un peu faible par rapport à ce que je sait être ton idée de la chose. Mais c’est une première étape compréhensible par le plus gradn nombre, ce qui n’est pas si mal... je rejoin Axel quand à l’importance de la compréhension des choses par les non initiés. on voit la difficulté qu’on a à communiquer avec des "nouveaux membres".

Fab @ 2007-12-04 23:06:11

Thierry,

Quand tu parles d’une nécessité loi féconde, je parlerai plutôt d’une MORALE féconde. Ici je me réfère à Onfray (que tu ne cites pas souvent Thierry alors que sur de nombreux points vous vous rejoignez). Une morale athée. Une morale comme contrat social entre individus (le contrat social de Rousseau), une morale immanente (basée sur l’empirisme, sur la réalité) et non transcendante. Une morale libertaire.

Avec son université populaire et sa contre-histoire de la philosophie, Onfray est un connecteur. Une des plates-formes pour les mini-luttes qui nous feront changer le monde. A écouter et réécouter ses conférences sur France Culture ou à acheter. Vous y (re)découvrirez des auteurs aussi stimulants qu’Épicure, Montaigne, Pierre Charron, Spinoza, Cyrano de Bergerac, Deleuze, Foucault...

Thierry Crouzet @ 2007-12-05 08:33:06

Je parle de loi parce que je suis physicien et que je me réfère à l’auto-organisation... mais dans le cadre humain on peut appeler ça morale.

J’ai lu Onfray alors qu’il était inconnu, je l’ai cité dans des livres non publiés (Ératosthène et Ne rien faire sans fainéanter notamment) et j’avoue que je n’ai pas lu le Onfray célèbre.

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