Je reçois régulièrement des alertes Google pour me signaler les articles qui parlent du cinquième pouvoir dans la presse. Si l’usage de l’expression se vulgarise, je me rends compte que ce n’est pas forcément dans le sens que j’ai essayé de définir. Je crois qu’une grande incompréhension subsiste.

Tout d’abord l’article d’Ignacio Ramonet, presque systématiquement cité, le présente comme une rénovation du quatrième pouvoir. Non. S’il se limitait à cet objectif, s’il se limitait au journalisme citoyen, il serait de la foutaise.

Le cinquième pouvoir n’est pas seulement médiatique ou seulement un contre-pouvoir. Il ne se résume ni aux blogs, ni aux réseaux sociaux, ni aux sites des partisans des candidats à nos multiples élections.

Le cinquième pouvoir est une force qui ne peut jaillir que dans une société où chacun de nous devient un pouvoir. Pouvoir d’expression, pouvoir de décision, pouvoir d’action, pouvoir de communication, pouvoir d’informer, pouvoir de prescription…

Par son émergence, il brise peu à peu le pouvoir de quelques uns. Par exemple, dans un monde où l’énergie sera produite par chacun de nous, elle ne sera plus un enjeu de pouvoir mais elle sera du pouvoir de tous.

Le cinquième pouvoir ne peut exister que dans un monde décentralisé. Il apparaît en priorité sur internet car nous y avons décentralisé, en partie tout au moins, l’information. Elle est ainsi devenue du pouvoir de tous. Sa libération n’est qu’une première étape dans la libération des autres ressources qui irriguent les sociétés humaines.

Le cinquième pouvoir a une dimension mystique. Il unit chacun de nous à travers un réseau de communication horizontal. Il participe à l’élaboration d’une conscience globale.

Le cinquième pouvoir se manifeste par l’auto-organisation d’hommes qui n’ont même pas besoin de se connaître. Ils peuvent chacun de leur côté choisir de placer leur argent dans des banques qui comme la Nef n’investissent pas dans le militaire, ils peuvent acheter leurs légumes et leurs viandes directement aux producteurs en court-circuitant la grande distribution, ils peuvent eux-mêmes commencer à produire leur énergie…

Comme tout système auto-organisé, le cinquième pouvoir évoluera non linéairement. De brusques transitions suivront des étapes d’apparente stagnation. Personne ne peut prédire quand elles surviendront ni leurs conséquences mais nous savons qu’elles nous guettent… si nous continuons à nous interconnecter.

Notes

  1. Internet est un bon substrat pour le cinquième pouvoir car il autorise les relations entre tous en s’arrachant au modèle pyramidal du « un à tous » ou au modèle égoïste du « point à point » propre au téléphone par exemple.
  2. Le cinquième pouvoir peut avoir une influence politique au sens traditionnel mais il n’est pas de même nature, peut-être même pas compatible. L’exécutif, c’est « un pour tous ». Le cinquième pouvoir, c’est « tous pour tous ».
  3. Dans nos démocraties représentatives, les militants utilisent la libération de l’information pour promouvoir leurs candidats. Ils ne constituent pas pour autant un cinquième pouvoir car leur travail participe à la stabilisation des pouvoirs traditionnels.
  4. Le cinquième pouvoir en tant que force sociale indicible n’aspire à mettre au pouvoir personne puisqu’il existe par la décentralisation des pouvoirs, par leur émiettement entre chacun de nous.