Thierry CROUZET

Je lis Michéa

Dans un commentaire, Krysztoff m’a suggéré de lire L’empire du Moindre mal de Jean-Claude Michéa. Ce livre remonte à l’origine du libéralisme et tente de définir les implications de la doctrine libérale.

Depuis que j’ai publié Le peuple des connecteurs, on m’a traité de tout, on a cherché à me ranger dans toutes les vieilles catégories, depuis la gauche jusqu’à la droite. Je me suis aussi souvent vu qualifié de libéral. Dans l’article où Krysztoff est intervenu, article que j’espérais humoristique, mais qui n’a ni fait rire les libéraux, qui l’ont pris aux sérieux, ni leurs adversaires, qui ont cru que j’étais sérieux, j’ai proposé une esquisse de définition du libéralisme.

Un libéral est quelqu’un qui avant tout se libère des habitudes et préfère le changement à la stagnation. Un libéral est anticonformiste. Un libéral veut que les gens qui l’entourent le surprennent et diffèrent de lui. Un libéral est pour le progrès, entendu au sens biologique d’évolution. Pour obtenir mieux que ce qu’il a déjà, il accepte le risque d’avoir moins bien. Pour autant il n’est pas inconséquent, il peut très bien pratiquer un super principe de précaution, un tel principe étant libéral puisqu’il suppose que la prudence ultime revient à nous responsabiliser individuellement.

Krysztoff me reprochait semble-t-il de ne pas utiliser le même sens pour libéral que Michéa. Je ne sais pas ce qu’est le libéralisme, je cherche juste à définir ce que pourrait être une nouvelle politique. Je me suis dit que lire Michéa m’aiderait à préciser certaines positions. Je viens de terminer le premier chapitre de son livre. Ma conclusion : je ne suis pas libéral, je ne me reconnais pas dans ceux que Michéa appelle les libéraux. Quand je parle de libéral, j’entends homme libre, je ne pense pas à un modèle politique, d’où la confusion qui peut surgir.

Le cinquième pouvoir n’est pas une doctrine libérale mais il se construit grâce à des hommes libres et responsables, mes fameux connecteurs. Je ne suis donc pas un libéral mais un connecteur.

Je me suis dit que je publierai des remarques en vrac suite à la lecture de chacun des chapitres de Michéa. Avant de me lancer dans un prochain billet, je voudrais terminer cette introduction par une remarque au sujet du très court texte préliminaire de Michéa. Voici comment il commence :

Winston Churchill disait de la démocratie qu’elle était le pire des régimes « à l’exception de tous les autres ». Il serait difficile de trouver une formulation plus appropriée de l’esprit libéral.

Je suis d’accord avec la lecture de Michéa. Cette affirmation de Churchill est éminemment désabusée. Elle sous-entend que nous sommes incapables d’instaurer un monde meilleur que celui que nous connaissons. Michéa ajoute :

[…] le libéralisme doit être compris, et se comprend lui-même, comme la politique du moindre mal.

Quand j’écoute les politiciens dit libéraux, je ne peux qu’être d’accord avec cette conclusion préliminaire. Mais j’ai envie de revenir au texte original de Churchill :

Democracy is the worst form of government - except for all those other forms, that have been tried from time to time.

Michéa comme la plupart des gens qui citent Churchill oublient la fin de l’aphorisme. Churchill y ouvre la porte pour d’autres systèmes, il ne ferme pas l’histoire. Au contraire, il nous suggère d’essayer des combinaisons inédites pour inventer un monde meilleur. Une chose est sûre : un empire du moindre mal ne me convient pas du tout. Je rêve d’un empire du bonheur maximal.

Le libéralisme il est vrai s’appuie sur une forme d’autorégulation primitive, celle du marché (comme le démontre fort bien Michéa plus loin). Il est en ce sens un projet mort car il n’essaie plus rien.

Là où Michéa fait une lecture critique, j’essaie maintenant de trouver des solutions. Je me fous de combattre le libéralisme. Il crèvera si nous trouvons mieux. Et nous allons trouver. Aujourd’hui, nous devenons des connecteurs. Au travers des réseaux, nous pouvons mettre en place de nouvelles formes d’auto-organisation. Là où le marché dominait en maître, il sera noyé dans une multitude de réseaux.

Henri A @ 2008-02-28 23:57:05

J’ai une solution. Extrêmement radicale certes.

Faire comme en formule 1. Les voitures deviennent trop efficaces ? On les bride.

A partir de dorénavant, les êtres humains aurons une jambe, un bras, un œil et une oreille.

C’est du tranhumanisme à l’envers.

Une boutade ? Réfléchissez cinq minutes sérieusement là dessus.

Thierry Crouzet @ 2008-02-29 09:29:51

Houla... moi je pars en vacances right now :-)

charlie @ 2008-02-29 13:39:29

Déjà qu’avec deux oreilles beaucoup n’entendent rien...

Henri A @ 2008-02-29 21:06:05

Le fait d’avoir 3 oreilles résout le problème ?

Mon idée débile veut montrer que l’inverse n’est ni bien ( mieux ), ni mauvais.

C’est une dynamique, pas un progrès.

Pareil pour l’expérimentation des politiques possibles qui devrait être mis en parallèle avec l’expérimentation de constructions sociales et l’expérimentation de relations ( sexuelles ou autres, polygamie ou toutes les possibilités possibles et imaginables ).

charlie @ 2008-02-29 23:16:01

"Le fait d’avoir 3 oreilles résout le problème ?"

Non.

Mais le fait d’en avoir une seule non plus.

Par contre, s’il y avait moins de bruit...

:)

Ax @ 2008-03-01 13:15:16

Charlie passe en mode Demian West. Au moins 6 messages de postés en moins de trois semaines. Attention la logorrhée n’est pas loin...

satured de la politique @ 2008-03-01 14:21:09

@ Henri : Les grands esprits se rencontrent ! Quand je lisais ceci:

["Pour obtenir mieux que ce qu’il a déjà, il accepte le risque d’avoir moins bien. Pour autant il n’est pas inconséquent, il peut très bien pratiquer un super principe de précaution, un tel principe étant libéral puisqu’il suppose que la prudence ultime revient à nous responsabiliser individuellement."]

Je pensais, faut-il poser la question à Thierry de savoir, puisque c’est le premier sujet qu’un être normalement constitué aborde en politique, si un homme était plus libre célibataire ou marié ? (je n’ai pas encore répondu à la question, promis.) ;-)

satured de la politique @ 2008-03-01 14:29:12

Et ne me répondez pas "sûrement pas lorsqu’on est président de la république" parce que là, je me flingue :-)

Thierry Crouzet @ 2008-03-03 19:54:11

Pose pendant les vancances pour vous lire...

Pour le mariage, ça doit dépendre des cas...moi je ne conçois cette affaire que parce qu’elle me donne plus de liberté...

Pour l’histoire des 3 oreilles... ou plutôt d’une seule oreille... moi je rêve d’une conscience plus étendue, plus vertigineuse... donc j’espère que l’évolution nous l’apportera. Il y aura sans doute des drapages sur ce chemin, il y en a déjà beaucoup.

Ax @ 2008-03-03 19:57:52

"je rêve d’une conscience plus étendue, plus vertigineuse… "

une conscience OGM en somme !

attention, Charlie va te la couper. La conscience OGM à 3 oreilles ne passera pas par elle.

Vous avez placé les recettes de Cozop en Suisse ?

Henri A @ 2008-03-03 20:53:22

C’est étonnant cette obsession pour les oreilles !

Si il y a bien une chose qui me désespérerais de perdre, c’est bien une oreille ( entre autre ).

Avec une jambe et un bras, le problème des guerres est quasiment réglé. Cela pousse aussi quasi obligatoirement à collaborer au moins avec une autre personne et oblige presque à créer des grappes de personnes ( le social est réglé ).

Bon, évidement il y aura toujours un malin tricheur pour essayer de se greffer un membre supplémentaire... Cela mérite une œuvre en six volumes au moins cette histoire.

charlie @ 2008-03-04 17:33:18

Pendant que le chat est au ski, les souris...

Ceci dit, pour le ski, une seule jambe, comme tout est une question d’équilibre, ça pourrait présenter l’avantage - avec de l’entrainement - de ne JAMAIS croiser ses skis. (Comme on en aurait qu’un.) Pour le bras, je ne sais pas, je n’arrive pas à imaginer ce que cela donne. L’oreille, pour le ski, on s’en fout.

@ Ax : intéressez-vous un peu à mes commentaires, au lieu de vous moquer de leur fréquence : du fond, que diable !

Jérôme @ 2008-03-08 16:30:18

Je t’ai taggé.

glove @ 2008-12-10 12:27:37

Je ne sais pas trop ce que tu mets derrière connecteur, mais j’ai lu avec attention Michéa, l’empire du moindre mal, et son corollaire : la double pensée. Le prlbème du libéralisme que pose Michéa est un problème politique. Et politique veut dire qui concerne l’organisation des hommes, en posant avec plus ou moins de conviction qu’il existe une communauté.

Le côté réseau, facebook, connecteur, homocentriste, ou chacun est un flocon de neige merveilleux, c’est, je pense, une vision qui nie tout sentiment communautaire (et peut être même bien civique). Être une partie d’un tout, mais vraiment une partie (pas une facette), c’est accepter aujourd’hui de fondre son individualité si affirmée dans un projet de plus grande ampleur, et je comprends cette réticence.

Mais personnellement, j’ai pris du recul sur ce que je considère aujourd’hui un état d’âme pseudo romantique, car je fais partie d’une génération de fiottes. La solution à notre problème n’est pas individuelle, elle est massive, elle est populaire, elle est violente, et je trouve un sens à être homme dans un projet dont je ne suis qu’un grain de sable sans prétention. Je me demande même pourquoi je donne mon avis, c’est contradictoire ^_^...

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