Une idée m’est venue en corolaire du billet précédent. Il ne fait aucun doute que l’autorégulation et l’auto-organisation coexistent dans la nature. La terre régule sa température comme l’a expliqué James Lovelock. Les oiseaux s’auto-organisent. Il y a de la place pour les deux systèmes. Mais existent-il vraiment ou sont-ils simplement des modèles explicatifs ?
Je crois qu’il est possible de démontrer qu’on peut toujours simuler un système autorégulé à l’aide d’un système auto-organisé. Par exemple, prendre en cause une élévation de température pour les agents autonomes revient à ce qu’une de leur règle d’interaction soit sensible à la température. La structure globale du système auto-organisé se comporte alors exactement comme un système autorégulé.
En revanche, la réciproque me paraît impraticable. À l’aide de la logique de l’autorégulation, il me semble impossible de redescendre jusqu’aux agents. C’est sans doute implicite car les agents n’existent pas dans cette logique. L’auto-organisation me paraît ainsi une logique, sinon une physique, plus élémentaire pour décrire les comportements de groupe.
Je pense même qu’elle décrit effectivement ce qui se passe dans le monde : des agents s’y promènent et interagissent. Même la physique quantique adopte une description de ce genre. Passer par des notions globalisantes, c’est-à-dire systémiques, revient à simplifier les problèmes mais en perdant au passage leurs détails. Ainsi la systémique me paraît totalement inadaptée à l’étude des comportements de groupes, notamment quand ils sont humains. Elle en nie les individus.
C’est un outil pratique, avant tout mathématique, pour réduire les problèmes mais, en aucun cas, un outil utile pour imaginer de nouveaux états de nos sociétés. Par chance, l’informatique nous permet de descendre au niveau des individus. Nous modélisons à leur niveau et voyons alors émerger les comportements observés à l’échelle globale. Il se produit alors parfois des autorégulations, c’est une simple possibilité.