Je ne cherche pas à réfuter le système idéaliste parce qu’il ne peut l’être tout comme l’existence de dieu qui lui est souvent corolaire. Mais, depuis aussi longtemps que nous nous souvenons, ce système domine le monde et il nous écrase. Le capitalisme, l’impérialisme, le monarchisme, la démocratie représentative… découlent de l’idéalisme. J’estime avoir le droit d’être remonté contre lui.

Ce qui m’énerve, vous l’aurez compris, c’est de voir des gens critiquer le capitalisme ou nos systèmes politiques et, en même temps, se complaire dans l’idéalisme. Si vous ne changez pas de mode de représentation, vous ne changerez rien dans le monde.

Comme toujours des têtes tomberont, des hommes prendront la place d’autres hommes mais rien ne changera. La seule révolution qui a du sens pour moi est celle qui mène à une nouvelle vision du monde.

Je conçois que je vise quelque chose de difficile. Mais passer de la monarchie à la démocratie représentative n’est qu’un progrès mineur. Si nous nous en tirons mieux que nos ancêtres, ce n’est pas à cause de notre régime politique mais avant tout de nos progrès technologiques. Je crois qu’il ne faut pas être dupe.

Quand j’entends dire que l’idéalisme ne justifie pas les hiérarchies et l’autoritarisme, c’est un peu comme quand on dit que le communisme ce n’est pas le totalitarisme. La théorie peut ne pas dire une chose qui découle logiquement d’elle et qui, sur le terrain, apparaît systématiquement. Sur le plan logique, on pourrait dire par exemple que holarchie = communisme, hiérarchie = totalitarisme.

Si vous croyez que le monde, d’une façon ou d’une autre, se structure en couches, vous cautionnez inévitablement ceux qui se situent sur des couches supérieures par rapport aux autres. Ces deux aspects des choses n’ont peut-être rien à voir mais ils s’impliquent.

Je ne dis pas que c’est vous qui agissez comme ça. Tous les communistes n’étaient pas des totalitaristes. Mais des hommes se saisissent de vos idées et les emploient pour justifier leur position.

Si vous êtes idéalistes, avouez-vous-le. Ce n’est pas grave. La grande majorité des hommes ont accepté ce point de vue. Mais cette approche me paraît incompatible avec la pensée réseau… cette pensée de l’interdépendance sans laquelle je ne vois pas comment on peut parler d’holisme.

Dans un réseau, des entités se forment. On les voit déjà sur la carte d’internet. C’est pour cette raison que j’ai utilisé des couleurs sur mes schémas. Une structure émergente, comme la flotte des oiseaux, est une entité.

Ce qui me paraît important c’est qu’une même connexion participe à plusieurs entités. Il n’y a pas unicité ou totalité… tout dépend de notre représentation.

Peut-être que les catalyseurs en chimie peuvent servir de métaphore à ce que je cherche à dire. Le catalyseur participe à la réaction et il se retrouve inchangé à la fin. Il participe sans donner. Dans les réseaux, des liaisons jouent un rôle constructeur, d’autres ne collaborent que provisoirement. Ça n’empêche pas que des entités se stabilisent mais elles conservent toujours un aspect fluctuant qui n’a rien d’idéal.

Je cherche en ce moment à montrer que face à l’idéalisme il existe d’autres formes de pensée. Les idéalistes ont la fâcheuse habitude de dire que ceux qui ne sont pas dans leur camp ne perçoivent pas la véritable nature du monde.

— Vous êtes trop intello, disent-ils. Débranchez l’intellect, concentrez-vous sur le mental.

Combien de fois j’ai entendu dire ça. Mais n’est-ce pas un peu simpliste ? D’un côté vous manipulez des concepts d’une abstraction vertigineuse, mental, réalité en soi, dieu, transcendance, et de l’autre vous accusez ceux qui les questionnent de trop penser. N’est-ce pas vous qui avez commencez ? Assumez que le débat dérive sur le terrain que vous avez choisi.

Pour beaucoup d’idéalistes, j’ai l’impression que tu es un imbécile tant que tu ne dis pas avoir perçu cette autre réalité qu’ils chérissent… Je me méfie de ceux qui se prétendent plus éveillés que les autres. Je les estime très dangereux.