Un ami veut organiser un séminaire festif et il m’a demandé qui j’aimerais y rencontrer idéalement. Pas facile. Quelles seraient les personnes qui mises ensembles engendreraient un tout qui dépasse ses parties ? Souvent ces rencontres se résument à des conférences et à des échanges de cartes de visites. Je n’ai jamais encore connu l’effervescence qui a sans doute animé les Macy conferences organisées par les cybernéticiens.
Je m’amuse à rêver de règles favorables à l’auto-organisation.
- Public et orateurs sur le même lieu durant tous le séminaire qui ne doit surtout pas se dérouler à Paris mais dans un endroit difficile d’accès, une île, une montagne… J’imagine une telle rencontre à Monemvatia en Grèce. Il faudrait que ce soit une petite expédition, que la route mette en condition.
- Les orateurs, sorte de stimulateurs, ne porteraient pas de badge distinctif. D’ailleurs personne ne porteraient de badge. Tout le monde serait à égalité comme si nous nous retrouvions par hasard.
- Il ne faudrait pas centrer l’évènement autour d’un amphithéâtre comme c’est toujours le cas. Il faudrait décentraliser. Les gens devraient pouvoir se disperser, se perdre, se retrouver. J’adopte ce principe quand j’organise un BBQ à la maison en été. Des groupes se forment, des gens circulent de groupe en groupe.
- Des connecteurs, au fait de tous les CV, devraient forcer les rencontres. Ils prennent une personne, l’amènent vers une autre, leur disent pourquoi ils doivent à tout-prix se parler. Il ne faut pas tout abandonner au hasard et faire confiance aux invités, sinon les VRP monopolisent l’attention.
- Il faudrait d’autres évènements pour faciliter les rencontres. Les repas ne suffisent pas. Il faut jouer, parler, débattre… les débats c’est un bon moyen d’interagir. Plutôt que les planifier, il faut les laisser émerger comme dans les barcamps.
Maintenant qui choisir pour poser les graines qui électriseront le week-end ? Instinctivement, j’écarte les hommes d’affaires qui ont gagné au loto et qui n’ont rien à dire, sinon à nous faire croire qu’ils ont du génie alors qu’ils ont eu un coup de chance (ils pourront payer et être dans l’assistance). Je les entends trop parler dans toutes les conférences technos. J’aimerais voir d’autres personnes interagir. J’essaie de ne penser qu’aux francophones.
- Michel Houellebecq chez les écrivains, parce que bien que dans le domaine littéraire il connait la science et la techno. Il est assez cynique pour déstabiliser tout le monde. Ce serait un bon provocateur pour ouvrir le bal.
- Corine Cosseron chez les inclassables, elle met le rire au centre de la vie, elle est capable de faire rire une foule au éclat, rien de tel pour mettre tout le monde dans une condition extraordinaire.
- Jean Nouvel chez les architectes, il représente à mon sens l’art le plus vivant aujourd’hui, sans doute à cause de son lien avec la technologie et les défis environnementaux qu’il doit résoudre.
- Éric Julien chez les aventuriers, parce qu’il a vécu avec les peuples premiers et qu’eux aussi peuvent nous aider à changer le monde.
- Carlo Rovelli chez les physiciens, un des pères de la LQG, Loop Quantum Gravity, pour provoquer le vertige métaphysique.
- Nassim Nicolas Taleb chez les traders et les philosophes, pour se moquer des économistes (réflexe aujourd’hui vital).
- Éric Cantona chez les people et les ex-sportifs, il n’a pas oublié d’être provoquant.
- Keny Arkana chez les musicos, les jeunes et les révoltés.
- Mehdi Snene chez les hackers et en même temps les professeurs d’informatique, parce qu’ils sont les seuls véritables maîtres du monde.
- Gregory Chaitin chez les mathématiciens pour une fois encore provoquer le vertige métaphysique.
- François Collet chez les politiciens, parce qu’il n’appartiendra jamais à aucun parti, parce qu’il veut réinventer la pub en la détruisant, parce qu’il annonce depuis longtemps la fin du capitalisme.
- Matthieu Ricard chez les sages et les généticiens, parce que notre siècle sera spirituel et technologique.
Ok, il y a trop d’hommes et pas assez de jeunes. Mais c’était juste pour le plaisir d’ouvrir quelques pistes.