Je prolonge ici le fil de cette discussion. Entre parenthèse, c’est cela que je recherche sur ce blog, que nous discutions, que les uns exagèrent dans un sens, que les autres tirent dans un autre… et les insultes et les disputes sont le poivre de la vie.

Cette interactivité est précieuse et radicalement nouvelle, surtout par son instantanéité et son haut débit possible. C’est pour ça que j’ai lancé le Twiller, pour me faire plaisir, aussi peut-être pour expérimenter autre chose.

Si j’attache une grande importance à l’audience quand j’écris un livre, elle n’a jamais été le souci de ce blog. Peu importe le nombre que nous sommes tant que je reçois des impulsions qui m’encouragent à « piocher ferme » comme disait Flaubert. Par analogie au monde musical, ici on joue de la musique de chambre.

Jamais je n’ai prétendu être un journaliste citoyen. J’ai été journaliste et je n’ai aucune intension de le redevenir. Et puis le journalisme citoyen n’existe pas. Comment voulez-vous qu’un mec qui reste devant sa télé ou son PC sorte un scoop... au mieux il s’indigne et s’amuse à faire des corrélations qui partent vite en théorie du complot. C’est un exercice facile, grisant où beaucoup se laissent entraîner et ils ne supportent pas qu’on les critique.

Maintenant ça ne nous empêche pas d’écrire et de réfléchir. C’est ce que j’essaie de faire. De mettre à jour des idées dans un ordre qui m’est propre. C’est après tout le travail des écrivains et des artistes. Il y en a à la TV, dans la rue, sur le net aussi... Nous avons derrière nous une longue tradition qui passe par Montaigne, les Romains, les Grecs… Le copier-coller n’est pas en soi mauvais s’il conduit à un tout plus grand que ses parties. C’est le propre d’une œuvre.

Et là nous touchons le vrai problème à mon sens. Les œuvres sont rares sur la blogosphère comme ailleurs (mais ailleurs au moins le genre est à peu près défini par la tradition). Pour ma part, j’ai la prétention affichée de tenter de construire quelque chose. Peu importe si je me plante ou pas, mais je suis obligé de constater que la plupart des gens utilisent leur blog comme d’un mégaphone (pas très puissant d’ailleurs au vu de leur audience).

Comme ils ne pensent pas œuvre, ils alignent des idées incohérentes, sans consistance, ce qui me posse souvent à dire « c’est affligeant ». Je ne cherche pas à définir ce qui est bien ou pas dans l’absolu, mais ce qui est bien ou pas pour moi. Qu’on ne m’accuse pas comme c’est déjà arrivé de vouloir régenter un truc qui ne m’appartient pas.

Le support a au moins cet avantage d’autoriser de multiples styles, ce qui à mon sens est encourageant. Je reconnais que les lecteurs en ont marre de cette blogosphère prétentieuse qui croit détenir la vérité. Quand je bosse sur coZop, je suis souvent désespéré. Mais parfois je tombe sur des choses intéressantes et je me dis que ça vaut la peine.

J’ai découvert comment mesurer l’originalité d’un auteur, simplement en regardant s’il pointe vers des auteurs eux-mêmes branchés ou au contraire peu populaires. Quand, à chaque billet, tu pointes vers Libé, Le Monde ou TF1… t’as peu de chances de dire un truc révolutionnaire. C’est au moins la preuve que tu n’as pas l’énergie de remonter à la source.

Ce n’est pas un secret, je lis peu les blogs. Je n’utilise pas de lecteur de fil RSS. L’actualité fugitive ne m’intéresse pas. Je suis un lecteur de livres. J’attends que les choses se cristallisent pour m’y intéresser, que les auteurs méditent… comme j’essaie de le faire quand je travaille sur un livre. Pour tout dire, j’aimerais sur coZop donner une place de plus en plus grande aux textes longs. J’aimerais aller à contre-courant de la brève.

Ce texte même montre toute la différence entre le travail d’un auteur qui parle de son travail et le journalisme qui prétend informer. Mon seul but est de me donner à réfléchir, et peut-être parfois vous donner à réfléchir (ou à vous indigner… mais j’aime ça). On est ici entre l’intime et le public, on est dans l’atelier.