Dans un commentaire, Phyrezo s’est presque vanté de ne plus être darwinien comme s’il existait encore des darwiniens. Je sais qu’il défend cette position en partie sous l’influence de Jean Staune et de son livre Notre existence a-t-elle un sens ?

Je me demande bien pourquoi Staune pose la question puisqu’il est persuadé que l’existence a un sens, surtout entendu en tant que direction qui nous serait imposée de l’extérieur.

Tout au long de son livre, Staune critique les matérialistes pour leur position dogmatique, en étant lui-même un essentialiste dogmatique.

Il oublie semble-t-il qu’il existe au moins une autre position, à laquelle je me rattache. Je ne sais trop comment la nommer mais elle se limite à réduire les hypothèses dès que possible. C’est une position en même temps esthétique, qui tient au minimalisme.

Dieu est ainsi une hypothèse lourde, trop pesante. Je préfère la garder en réserve, just in case, mais j’avoue n’en avoir jamais besoin. L’essentialisme, lui, implique un ordre supérieur, une voix royale… il interdit la diversité et choque mon goût pour la liberté.

Mon minimalisme n’interdit pas de croire, il n’interdit pas l’existence d’un sens, qui peut apparaître, il n’interdit rien a priori mais il tente de ne pas partir d’un énorme postulat qui oriente toute la suite de ce qu’on peut dire.

Bien sûr, mon minimalisme, est une forme de croyance. Il implique un choix initial. Mais il semble cohérent avec lui-même. C’est un choix qui part du plus petit nombre de présupposés possible. Par la suite, des idées apparaissent, des positions se consolident… Je peux paraître dogmatique mais mon point de départ ne l’est pas et, au final, tout reste ouvert.

Staune a ce talent de tricher pour renforcer ses thèses. Par exemple, il se propose de commenter les diverses théories de l’évolution concurrentes en regard des idées des derniers grands évolutionnistes, se défendant de donner la parole aux spécialistes des autres matières. Et lui-même, qui n’est pas un spécialiste de l’évolution, dans son livre, nous propose sa théorie, à laquelle nous ne devrions en toute logique prêter aucune attention.

Staune se livre alors à une classification de toutes les idées qui touchent à l’évolution, compilation digne de wikipedia, et il nous fait presque croire qu’elles sont antagonistes alors qu’elles ne le sont pas.

Ils parlent des néolamarckiens, qui croient que des acquis peuvent être transmis de génération en génération. Aujourd’hui, nous avons des preuves objectives de la réalité de ce phénomène que réfutait Darwin (je n’ai plus la source… lien avec certains diabètes transmis aux petits-enfants).

De même, nous savons que l’épigénétisme joue un grand rôle. Le tout génétique n’est plus d’actualité. Les gênes s’expriment dans un environnement qui leur préexiste, donc qui se transmet indépendamment de la génétique.

L’arbre de l’évolution est de plus en plus vu comme une idéalisation. NewScientist vient de faire sa couverture sur le sujet. La recherche de l’ancêtre commun est une quête souvent idéale.

Tout ça pour dire que nous sommes loin du Darwinisme de 1859 et encore heureux. Darwin a le mérite d’avoir fait entrer dans nos consciences l’idée que les choses évoluent, peu importe comment elles évoluent.

Et à ce point, sous prétexte qu’on n’explique pas tout, sortir la lourde hypothèse divine, me paraît juste la preuve d’un manque d’imagination flagrant, cette volonté de mettre l’homme à une place particulière dans l’histoire.

Et que penserez-vous monsieur Staune le jour où des machines nous surpasserons ? Vous devrez réviser votre sens initial ? Ou sans doute refusez-vous à d’autres créatures de nous égaler ou même de nous surpasser ?

J’avoue que votre livre m’agasse et que je ne le terminerai sans doute jamais. Pour moi, vous faites preuve de la même mauvaise fois que Wilber. Mais sans doute ai-je la même impression chaque fois que je lis un essentialiste.

PS1 : Newton n’avait pas expliqué la force gravitationnelle mais sa théorie restait utile. Elle n’expliquait pas tout mais nous a permis d’avancer vers une théorie plus large, celle d’Einstein. Nous devons prendre garde à vouloir tout expliquer, tout régenter... c’est le principal travers des essentialistes. Je me demande même si ce n’est pas Staune qui fait cette remarque sur Newton et qui oublie de se l’appliquer à lui-même.

PS2 : Un minimaliste peut croire en Dieu, mais c’est alors un Dieu en lui même qui n’est nécessaire dans aucune explication.