Lorsqu’un écureuil récolte des glands et les enterre un peu partout, ils ne pensent qu’à se ménager des réserves pour l’hiver. C’est un égoïste. Mais son égoïsme peut s’avérer utile à la communauté des écureuils et plus généralement à beaucoup d’autres espèces. L’écureuil oubliera quelques glands, certains germeront et ainsi la forêt se propagera.

Cette histoire nous montre comment l’égoïsme peut engendrer une forme d’altruisme, processus décrit de manière plus théorique par Robert Axelrod. Elle montre aussi comment des gestes anecdotiques peuvent avoir un impact immense.

Depuis longtemps, je suggère que nous imitions les écureuils. Si, chacun à notre niveau, nous changeons nos habitudes, consommons moins et autrement, ces petits changements se cumuleront, feront boule de neige et ils auront plus d’impact que les agitations de nos politiciens perchés au sommet de la pyramide.

Mais pour qu’un cinquième pouvoir efficace émerge, chacun de nous ne peut pas se contenter de s’agiter dans son coin. Nous devons communiquer nos changements, les propager, favoriser le processus de boule de neige. À ce stade, nous nous trouvons dans deux situations assez opposées.

  1. Nous rencontrons des gens déjà convaincus que nous sommes collectivement en danger. S’ils n’ont pas déjà changé leurs habitudes, il est facile de leur communiquer nos trucs et astuces. Ils les adopteront avec joie car ils auront l’impression de participer au bien commun.
  2. Nous rencontrons des gens qui se moquent des problèmes et attendent que d’autres les règlent pour eux. Pas facile de les transformer en écureuil. En plus d’être égoïstes, ils sont sourds. Il faut alors s’adresser à leur égoïsme. Par exemple leur suggérer des mesures qui leur feront économiser de l’argent et qui incidemment feront du bien à la planète. Le plus souvent l’altruisme n’apparaît que comme un effet collatéral.

Sur le modèle des alcooliques anonymes, Quitterie Delmas, François Collet, ma femme et sans doute bien d’autres, tentent de créer des groupes de discussion où les participants s’échangent leurs bonnes pratiques. Je crois que la mayonnaise ne prendra de l’ampleur et dépassera le cadre des early adopters que si une manière d’adresser l’égoïsme de chacun de nous est découverte.

Par exemple, j’ai un ami conseiller en économie d’énergie. Pour commencer, il ne propose pas aux gens d’installer des chauffe-eaux solaires ou des panneaux photovoltaïques, mais d’isoler leurs combles et d’installer des réducteurs de consommation d’eau à tous leurs robinets. Le gain économique est immédiat. Les gens adhèrent. Tout le monde est prêt à sauver la planète si ça ne lui coûte rien. Il faut partir de cette réalité même si elle n’est pas agréable à entendre.

Peu à peu nous construirons une nouvelle morale écologique et un nouveau sens des responsabilités. Cette morale, comme toute morale, nous aidera à mieux vivre en société. Elle pourra soutenir d’éventuels interdits, comme la morale l’a toujours fait. Sans morale, je crois qu’il ne sert à rien de légiférer des interdits. La morale préexiste à la loi.