Je réagis ici au billet de Narvic, Information en ligne : le règne du canon à dépêches, qui résume une étude qui fait un portait catastrophique de l’information sur internet.

Vous savez ce que je pense. L’information est en général catastrophique, une revue des chiens écrasés qui se prétend d’utilité publique et qui n’est qu’un reflet des psychoses sociales. Mon commandement est simple : moins tu t’informes plus tu es heureux, moins tu t’informes plus tu comprends le monde car tu commences à le regarder par toi même.

Appliquant cette logique, je n’ai pas envie d’aller lire cette étude qui, pour tenter de comprendre la longue traîne informationnelle, réduit son échantillon d’analyse. On ne peut juger de la longue traîne qu’en prenant en compte des milliers, des dizaines de milliers de sources. Toutes conclusions tirées sur des dizaines de sources n’ont aucun intérêt, sinon de révéler comme l’étude le montre que ces sources n’ont pas d’intérêt.

Tu prends les sources les plus connues, les plus populaires, tu découvres quelles disent toutes la même chose et tu t’en étonnes. Faut vraiment être con. Ces sites publient ce que les gens veulent lire, ce que les gens saisissent comme mot clé dans Google, ce qui va leur rapporter. Ces sites font du business pas de l’éducation populaire, éducation populaire qui n’a jamais été le but des médias, surtout des gros médias.

Le journaliste, lui, peut avoir ce but, c’est une autre histoire. Je ne suis pas sûr qu’un média soit le meilleur endroit pour faire ce travail. Narvic, par exemple, ne fait-il pas un travail bien plus intéressant sur son blog qu’il ne l’a jamais fait en tant que journaliste ? Je lui laisserai répondre… tout en sachant qu’il tentera de sauver la profession.

Et puis merde, tout le monde sait que le canon à dépêches c’est le meilleur moyen d’attraper des visiteurs sur Google. Je ne vais pas remuer le couteau dans la plaie et rappeler que longtemps j’ai crouté avec cette pratique, beaucoup moins rentable maintenant que tout le monde la démultiplie à outrance avec des moyens faramineux.

Si tu as un site d’actu, tu dois reprendre tout ce qui se dit partout, quitte à plagier, à copier-coller. Tu dois te battre sur les mots clés, sur tous les mots clés. Tout cela n’a rien à voir avec le journalisme mais avec la technologie. Tant que Google fera la loi avec son algorithme populiste les sites les plus visibles sombreront dans la médiocrité. Les sites d’actualité noieront leur éventuelle originalité dans une montagne de banalités. L’étude évoquée par Narvic tombe dans ce panneau. Elle voit homogénéité parce que l’originalité éventuelle ne peut qu’être cachée pour cause business model.

D’ailleurs ce billet même est-il une information ? Oui, si on le prend en tant que signaux qui transitent de mon crâne au votre. Je n’ai envie d’utiliser information que dans ce sens, celui des physiciens. Parce qu’après la nuance entre « je t’apprends quelque chose » et « je te fais réfléchir sur quelque chose que tu connais déjà » devient glissante. Où commence l’information, où commence le commentaire ? Pas facile.

Si je vous dis. « J’écris dans le treizième à Paris, près du métro Glacière, non je ne suis pas dans un des bureaux du Monde, mais tout à côté. Il y a un bruit terrible car on construit un immeuble en face. » C’est une information factuelle élémentaire. Elle ne vaut rien. Faudrait-il que les sites d’actualité multiplient ce genre d’information pour se démarquer ?

Non. Il me semble plus intéressant de connecter des informations et de construire à travers elle une représentation du monde. Toutes informations est alors bonne. Le discours d’un ministre comme l’évocation d’un chantier dans le treizième. Nous nous plions tous à cette connexion. Le journaliste peut devenir un virtuose de ce jeu, jeu que pratiquent parfois les blogueurs quand ils ne tombent pas eux-mêmes dans le canon à dépêches.

J’avoue que, sur coZop, j’ai mesuré combien maladroitement beaucoup d’entre eux le font. Mais vous perdez votre temps. Vous faites ça à la mano pour gagner dix visiteurs pendants que vos concurrents utilisent des robots et des dizaines de développeurs. Le but d’un blogueur n’est pas d’avoir des visiteurs mais de créer des connexions, de partager, d’échanger, de construire une réflexion globale qui ne se limite pas à bouffer du Sarko.