Dans le train de retour de Genève, je lis la déclaration de MAM sur la sécurisation d’internet. Je suis rassuré. Tant que nos élites seront aussi stupides, aussi mal informés, conseillées par des consultants imbéciles qui ne savent que piquer dans nos impôts pour se faire rémunérer, Internet restera un espace de liberté.
MAM parle à la première personne, au nom de l’État, au nom des citoyens qu’elle représente et qu’elle veut protéger de terribles méfaits. Elle n’a pas compris qu’on ne pouvait pas agir sur Internet en se plaçant à l’extérieur d’Internet. Un système auto-organisé se contrôle de l’intérieur, par une coopération de chacun de ses usagers, par une gouvernance intériorisée.
Au contraire, dans chacune de ses paroles, MAM démontre son ambition d’appliquer l’approche pyramidale top-down. Comment une pyramide peut-elle influer un réseau qui repose sur le bottom-up ? Elle ne le peut le faire que de deux façons. 1/ Se transformer elle-même en réseau, ce que ne veut surtout pas notre gouvernement. 2/ Ou transformer le réseau en pyramide, pour pouvoir se battre avec lui sur le même terrain. Cette seconde approche, la seule envisageable, revient à tuer le réseau, à le priver de ses spécificités, de nous priver des nouvelles libertés que nous y avons acquises.
MAM prétend vouloir faciliter les échanges, notamment économiques, mais elle ne fera que les réduire en limitant nos interconnexions, en réduisant l’intelligence de notre super organisme. Hier, c’était pour sauver les auteurs, aujourd’hui c’est pour notre sécurité, chaque semaine notre gouvernement trouve de nouvelles raisons d’attaquer le cancer qui ronge la vieille société pyramidale.
MAM ne pense qu’à contrôler cette force qui vit pour l’essentiel hors de son influence. MAM d’ailleurs parle de criminalité sur Internet mais de donne aucun chiffres pour comparer cette criminalité à celle constatée hors d’Internet. Si, par hasard, Internet était moins criminogène que le reste de la société, c’est la société qui devrait s’inspirer des méthodes de sécurisation déjà à l’œuvre sur Internet. Et si ce n’est pas le cas, si Internet est un lieu de dépravation abject, il faut renforcer les mécanismes qui ont évité que cette abjection devienne insupportable. Car avouons-le, on peut très bien mener une existence en ligne honorable sans être sans cesse soumis à la violence. Je passe ma vie sur Internet et j’y rencontre le plus souvent des gens civilisés, souvent plus civilisés que ceux qui, dans les rues, avancent, résignés, têtes basses.
Sur Internet, cohabitation, coopération, cocréation… se combinent depuis longtemps pour engendrer une co-sécurisation. Si MAM comprenait un tant soit peu ce phénomène, elle proposerait de le stimuler, de l’expliquer, de l’encourager, de faire se parler ceux qui créent les outils, d’éveiller la conscience des usagers…
Sur Internet personne n’est contre la rémunération des auteurs. Pas plus, personne n’est contre la pénalisation des délits. Simplement, il est vain de vouloir plaquer des habitudes héritées d’un monde pyramidal sur un monde en réseau. Il faut tenir compte de la topologie d’Internet, notamment de sa topologie sociale. Sans quoi, des mesures qui visent notre bien peuvent affaiblir l’irrigation sanguine et nerveuse de notre super organisme, ce qui reviendrait à le tuer.
Pour préserver la vie de cet organisme, des camps peuvent se radicaliser et entrer en résistance, voire en lutte. À ce moment, MAM aurait des soucis à se faire car elle serait désarmée pour lutter contre une intelligence répartie. Notre société vit en symbiose avec les machines. Ceux qui comprennent les machines disposent d’un gigantesque pouvoir. MAM a peur d’eux. Elle le montre. Doit-on s’en réjouir ou s’en effrayer ?