Faut-il nécessairement passer par le papier et le circuit traditionnel pour être lu quand on écrit un texte de plus de quelques pages ? Je ne cesse de me poser cette question.

Les textes longs impliquent un temps long, celui de la réflexion, celui qui laisse l’imaginaire vagabonder, celui de la créativité… Je ne peux concevoir que nous allons cesser de pratiquer cette forme millénaire. Je m’en sens incapable en tant qu’auteur et que lecteur. Si je n’avais pas lu et écrit des textes longs, je serais incapable d’écrire des textes courts, je serais même incapable de penser.

Ma petite expérience

En juillet, j’ai mis en ligne Genius Locus. J’ai à ce jour eut 847 lectures sur Scridb, version que j’avais mise en avant, et 54 sur Calaméo.

En première approximation, 900 lectures c’est pas mal. La plupart des livres qui sortent en papier n’ont pas autant de chance. Les Éditions Gutenberg n’ont pas fait mieux en lançant Le Conteur, tout en ayant une petite couverture presse.

Mais que signifie ce chiffre de 900 lecteurs ? Combien de pages ont été réellement lues, je n’en ai aucune idée. Les plateformes de lecture ne donnent aucune indication à ce sujet, ce qui en soit est suspect ! Ont-elles peur de décevoir les auteurs ?

Par ailleurs, à part deux avis d’amis, je n’ai reçu aucune critique, rien. Pas même le laconique « C’est de la merde » ou « J’ai décroché à la deuxième page ». Rien : 900 personnes ont regardé le livre et ont passé leur chemin, un peu comme s’il était posé dans une table en librairie. Sur un blog, 900 personnes laissent au moins quelques commentaires. Pour un livre, en tout cas Genius Locus, c’est le néant.

Pas de circuit pour les ebooks

Il existe pour les livres traditionnels un circuit de la critique, des salons, des rencontres… tout un système pour les faire vivre (et faire vivre l’auteur), système qui se prolonge sur le net avec les blogueurs qui parlent des livres.

Mais rien de semblable ne se produit pour les textes longs publiés uniquement en ligne (on trouvera toujours des contre-exemples). Est-ce tout simplement parce que les lecteurs se disent que parce que ce n’est pas sur papier ça n’en vaut pas la peine ? Ils auraient accepté l’idée que des articles de blogueur peuvent être intéressants mais ils ne seraient pas prêts à se coltiner leurs textes longs !

L’argument du confort de lecture tient de moins en moins. Les plateformes comme Calaméo et Scridb optimisent le rendu à l’écran. Elles sont accessibles sur mobile. On peut télécharger les livres sur reader. C’est en train de bouger… et peut-être qu’alors on prendra l’habitude de lire des textes longs qui ne sortent pas du circuit traditionnel.

Autre argument : les gens ne lisent plus que des textes courts. Je crois que c’est faux, en tout cas que rien n’a changé. Il y a toujours eu plus de gens pour lire le journal que pour lire des livres. Est-ce alors que ces gens qui lisent des livres ont moins migré sur le net que ceux qui lisent le journal ? Possible. Mais je n’y crois pas. Nous n’avons tout simplement pas pris l’habitude de lire en ligne des textes longs. Moi le premier même si ça m’arrive de plus en plus souvent.

Remarques

  1. Genius Locus est un texte littéraire et mes lecteurs n’ont pas l’habitude de lire ce genre de texte de ma part. Ceci expliquerait le néant.
  2. Pas sûr que cette explication suffise. J’ai effectué un autre test. Plutôt que de publier sous la forme d’un long billet Le procès du capitalisme, je l’ai mis sous Scridb. Résultat 88 lectures ! C’est pire… J’ai déjà publié d’aussi longs billets qui ont toujours été beaucoup plus lus.
  3. On accepte les scories dans un texte court et moins dans un texte long. C’est ce que je me dis en tous cas. Du coup, Genius Locus n’ayant pas été finalisé par un bon à tirer, je n’ai pas fait sa promotion. J’avais annoncé que je mettrais en place une équipe collaborative pour finir le travail comme un vrai éditeur. Je ne l’ai pas encore fait parce que je suis occupé par mon essai sur le flux.
  4. Dans l’attente de la finalisation de Genius Locus, je n’avais pas mis les textes en téléchargement. Peut-être certains lecteurs potentiels ont-ils été bloqués. Je viens de les rendre disponibles en téléchargement sur Calaméo et Scridb. Format parfait pour une lecture sur reader.
  5. Au final, je me contente de remarquer que quand je publie en ligne d’un bloc un texte long ça ne provoque aucun effet, ce qui n’est pas le cas quand je publie un texte long sur papier.
  6. Croisade qui est publié par bribes engendre beaucoup plus de réactions : de lecteurs, d’auteurs, de journalistes… J’en déduis qu’il faut trouver une méthode pour faire s’écouler les textes longs en ligne. Il faut leur donner de la fluidité. Une page par jour… Et ne pas figer la suite même si elle est déjà écrite. La laisser libre d’évoluer en fonction des réactions.
  7. Je cherche une méthode pour concilier l’exercice du texte long et du flux. De l’écriture tantôt solitaire, tantôt publique.