La plupart des gens sont tellement brainwashed qu’ils sont incapables d’imaginer d’autres modalités d’action politique que celles qu’on leur a mises dans la tête.

Selon eux, il faut créer des partis, des mouvements, se faire élire, ou faire pression sur les élus, pour obtenir un quelconque changement sociétal. Mais qui a construit cette idéologie sinon ceux qui sont issus de ce système même ? Système qui s’entretient naturellement et qui se défend des autres systèmes possibles, en les marginalisant.

(PS ceux qui me lisent d’habitude peuvent arrêter je ne fais que reformuler. C’est un commentaire au billet précédent.)

La norme politique est si confortable que la moindre remise en question est moquée et discréditée par les esclaves de la norme. Ils ne se rendent même pas compte qu’ils réagissent comme des chiens de Pavlov. Juste capables de proposer les solutions déjà validées par d’autres, déjà expérimentées, tant bien même elles n’ont jamais donné de résultats.

Prenons les problèmes écologiques. À quoi ont abouti les partis qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition ? Les émissions de gaz à effet de serre augmentent toujours. Il ne se passe rien. On nous demande de mettre des ampoules basse consommation et basta.

Si vous regardez les avancées écologiques, elles ont toujours été arrachées par la base. Elles se sont imposées par le bas, pour finir par être légiférées une fois quasi universellement admises. Mais à vrai dire aucune mesure sérieuse n’a jamais été prise. Sinon peut-être pour combattre le trou de la couche d’ozone. Pourquoi donc ? Parce que nous avions la solution technique et que ça ne gênait aucun industriel.

Maintenant vous pouvez encore espérer des mesures radicales. On peut toujours espérer. Mais n’est-il pas temps de constater et de conclure que c’est un espoir insensé, que ce n’est pas de cette façon que les choses évolueront ? La théorie nous dit que c’est possible mais la pratique nous démontre que ça ne marche pas. Copenhague a accouché d’un accord fabuleux : il faut faire quelque chose mais surtout ne nous imposons aucune contrainte ! Tout ça pour ça !

Je ne suis pas contre les partis. Je crois que ceux qui s’engagent dans les partis perdent souvent leur temps au nom d’un idéal qui comme tout idéal est totalement chimérique (je ne parle pas pour l’action locale… mais pour les problèmes globaux). Ça ne veut pas dire que nous devons agir seul, dans notre coin. Non. Nous devons nous lier pour démultiplier notre puissance d’action. Mais par une diversité de liens qui explose toute forme d’organisation catégorisable.

Quand Isabelle organise ses repas d’écureuils dans le Midi, elle fait de la politique. Les gens se retrouvent autour d’un repas une fois par mois. Chacun tour à tour dit ce qu’il a réussi à faire qui le fait se sentir mieux et, en même temps, peut avoir une influence sur la santé globale de notre société. Chacun dit aussi là où il a échoué, là où il sait qu’il pourrait faire mieux. Chacun écoute les autres. Chacun partage des méthodes pratiques. Chacun se forme de l’expérience des autres. Et ça marche (faudra que j’expose la méthode pratique).

Changer de modèle de consommation est possible si les gens, en même temps, vivent dans une société où ils se sentent plus liés aux autres. Tu changes si tu vas vers une vie qui te remplit plus. Il ne s’agit pas de sacrifier sa puissance d’être mais de la démultiplier. Tout cela est en même temps culturel et politique. Le culturel finit pas atteindre le politique.

Vous pouvez faire les malins, dire que ça ne suffit pas. Alors que faites-vous qui a déjà changé quelque chose à notre situation globale ? Vous qui vous placez sur l’axe gauche-droite de nos assemblées. Parce qu’il faut arrêter de se foutre du monde et toujours faire porter la responsabilité à quelqu’un d’autre, voire au système, comme si le système c’était un truc tangible et désincarné.

Ça fout la trouille de se dire qu’on peut faire quelque chose. Ça fout la trouille surtout quand on ne fait rien. Que c’est facile de critiquer les autres. De jouer les sages mais en évitant de se regarder dans la glace.

Postface

Pour illustrer ce dont je viens de parler et que je rabâche sans cesse, lisez ce commentaire de JF Garsmeur. Il est symptomatique du mal qui nous ronge : l’essentialisme, la folie de tout catégoriser, de simplifier le monde une fois pour toutes. Et on ose se prétendre de gauche lorsqu’on démontre un tel penchant pour le totalitarisme idéologique !

La révolution française assenée comme une avancée définitive. N’est-il pas temps d’envisager autre chose ? Surtout que la dite révolution ne s’est résumée qu’à un jeu de chaises tournantes. On a changé les bonshommes, gagné un peu de liberté, mais profondément les mécanismes de domination n’ont pas changé. Je vous renvois au Guépard.

Ces mécanismes sont même devenus plus pervers. Là où on gouvernait par l’autorité, on gouverne par la manipulation. On préserve l’idée de liberté pour au final faire faire au gens ce que l’ont veut. Je vis avec Isabelle, jadis experte de la manipulation des foules. Et c’est aussi pour cette raison qu’elle tente de mettre en place une approche diamétralement opposée avec les écureuils.

Garsmeur prétend être capable de classer les gens entre gauche et droite (non je n’ai jamais été un militant du Modem… j’ai descendu ce parti avant même sa création). En faisant ça, Garsmeur suppose qu’il n’existe qu’un seul axe politique, qu’un seul axe de clivage (encore faudrait-il arriver à le définir, ce qui me semble impossible sinon à caricaturer).

Mais la caricature est justement la norme politique. Il faut pouvoir caser les gens dans des camps pour que le combat politique traditionnel puisse se jouer. La lutte des classes a la vie dure. Certains seraient pour la justice sociale, d’autres pour l’ordre. Il y a chaque fois derrière ces affirmations l’idée qu’il existe une justice idéale, un ordre idéal… l’essentialisme au fondement de la culture occidentale ressurgit sans cesse.

Alors l’État, le Capitalisme, le Système… sont vus comme des entités réelles, de nature quasi idéale au sens platonicien (et c’est moi qui serait catholique). Alors il faut les abattre, les combattre… mais relisez Cervantes. On est avec Don Quichotte qui se bat contre les moulins à vent.

Est-ce que je suis de droite quand je refuse l’essentialisme ? Quand je dis qu’il n’y a d’autres entités que les hommes eux-mêmes, tout au moins que ce sont les seules entités de sang et de chair sur lesquelles nous puissions agir. Mettre l’homme au centre de la vie devrait être le souci de tous ceux qui aspirent à la justice sociale et à l’équité.

Réformer le capitalisme, c’est une utopie comme réformer le climat. Un rêve. Si les gens ne se réforment pas eux-mêmes comment un système fait de gens pourrait-ils se réformer ?

Les gouvernements, les entreprises, les clubs de foot… ne sont faits que de consommateurs. De rien d’autre. Si tous les gens renoncent à bouger sous prétexte que des hyper structures doivent bouger d’abord nous sommes définitivement morts. Nécessairement des hommes doivent bouger, des hommes qui sont des consommateurs. Alors donnons-leur l’exemple.

Et si nous nous disons que ce n’est pas à nous de le faire, personne ne le fera à notre place. Le système se cristallisera jusqu’à ce qu’il vole en éclat.

Et est-ce que je souhaite que rien ne change ? Ce n’est pas parce que, Garsmeur, je n’appelle pas les mêmes changements que toi que je ne veux pas de changements.

Je suis par exemple contre l’idée même d’entreprise au sens entendu aujourd’hui de société. Je suis contre le crédit et l’endettement. Je suis pour l’artisanat high-tech. Je suis donc contre le capital. Mais je suis persuadé que tous ces changements peuvent se produire de l’intérieur de la société. Je n’ai aucun espoir que quelqu’un les favorise parce que ceux qui pourraient le faire devraient scier la branche sur laquelle ils sont assis.

Tu peux rêver, j’ai le droit d’agir.