J’ai fini par voir le film de James Cameron. C’est une expérience visuelle étonnante, jamais à proprement parler esthétique, je n’ai pas ressenti la moindre émotion de cette nature, mais j’ai sans cesse songé aux potentialités encore inexplorées qui frémissaient de toute part. Le cinéma ne pourra jamais plus être le même.
Depuis des années, je ne fréquente plus les salles obscures. Déjà parce qu’avec les enfants c’est un peu plus compliqué mais ce n’est pas une raison suffisante. En vérité, je m’ennuie au cinéma. Les films se languissent dans une position géostationnaire. Alors je peux prendre deux minutes pour noter quelques réflexions au sujet de ce nouveau film qui ferait presque date (et ainsi faire plaisir à J).
Cinéma
Tous les réalisateurs qui s’apprêtent à sortir des films d’action en 2D doivent se morfondre. Le 2D c’est terminé pour l’action et même pour le cinéma en général. Nous vivons la même chose que le passage du muet au parlant, du noir et blanc à la couleur.
Certains nous feront le coup de la photo argentique par rapport à la photo numérique. Ok, il restera des mecs pour faire de la 2D comme il y en a qui font encore du noir et blanc mais ils deviendront minoritaires.
En prime, Cameron donne de l’air à toute une industrie. Il devient inutile de pirater son film ! En tous cas le temps que nous ne nous équipons pas chez nous de systèmes de projection 3D. Et tant pis pour ceux qui resteront accrochés à la 2D.
Je suis sûr que le cinéma d’auteur peut s’emparer de la technique. Dans Avatar, les scènes les plus intéressantes sont pour moi les intérieurs, les couloirs… j’imagine qu’un auteur peut nous montrer la réalité autrement en 3D.
Fabulation
Avatar est un western avec le Blanc qui se fait initier par les Indiens et qui finit par se battre avec eux contre les Blancs. Nous avons déjà vu ou lu des centaines de fois cette histoire. Elle est sans surprise mais bien menée et les presque trois heures de projection passent comme un éclair même si la bataille finale est d’un classique et d’une banalité à toute épreuve. On frôle à ce moment soit la parodie, soit la série B.
Écologie
Avatar fera plus pour nous persuader qu’il faut protéger la Terre que Home et Al Gore réunis. J’ai lu dans NewScientist que, parce que nous sommes profondément irrationnels, il nous faut des histoires pour nous faire comprendre les choses. Les grands discours rationnels touchent trop peu de gens. Avatar réussira mieux que le GIEC et que Copenhague.
Star War
Cameron est devenu cinéaste à 22 ans pour faire mieux que Georges Lucas. Son rêve : créer un univers aussi riche que celui de Star Wars, engendrer un écosystème commercial et créatif. Je ne suis pas sûr qu’Avatar réussisse ce tour de force côté imaginaire (côté technique pari réussi).
Pas d’humour. Ni les balourds R2D2 et sysPO, ni les pitreries d’Ian Solo. Avatar est toujours sérieux, un peu toujours sur le même rythme, propre, jamais ironique, asexué… alors que Solo respire le sexe. Dans Avatar, on est dans la guimauve propre sur elle pour attirer tous les publics malgré le carnage final idéalisé à la grecque.
Cette bataille, même si spectaculaire, ne renouvelle pas le genre, bien au contraire. Aucune scène ne rivalise avec la destruction de l’étoile noire par Luke Skywalker.
Pas de tension. Il manque la Force, cette idée mystique qui traverse Star Wars. Dans Avatar, ce côté clair-obscur ne transparait jamais, c’est plat, un ragout écolo new age.
Politique
La caricature. Les Terriens organisés hiérarchiquement affrontent les Na’vis organisés hiérarchiquement, et même monarchiquement. Tu parles d’un rêve et d’une vision.
Cameron tenait pourtant sa Force. Les plantes et des animaux de Pandora sont interconnectés. Le réseau est là. Les Na’vis communient à travers lui mais eux-mêmes ne sont pas en réseau. Cherchez le bug même si c’est le réseau qui sauve la mise à la fin puisque Pandora elle-même matte les Terriens.
J’attends la suite. Un spectacle grandiose au service de belles idées mais encore surchargé des codes en vigueur au vingtième siècle. Star Wars reste plus moderne avec sa Force, une idée forte en un âge d’interdépendance croissante.