Je dois être en postpartum après la fin de mon livre pour consacrer autant de temps depuis quelques jours à un monde qui depuis longtemps ne m’intéresse plus. C’est la faute de Narvic. Et pourtant quelque chose pourrait accoucher de tout cela. Quelque chose d’important pour nous tous. Cette querelle au sujet des subventions attribuées aux pure-players de la presse en ligne aura peut-être des conséquences politiques.

Rue89 a expliqué sa politique Open Source, comment seraient reversés une partie des développements subventionnés à la communauté Drupal. L’explication me satisfait à moitié. La promesse ne se double d’aucun engagement précis. Ok Rue89 soutient déjà Drupal et continuera de le faire. Parfait. Mais cette fois il s’agit de 250 000 euros qu’investit l’État, votre argent, mon argent, pour développer une extension de Drupal. La communauté Drupal devrait attendre plus que le sponsoring d’une conférence : 250 000 euros ça fait beaucoup de petits-fours… et même beaucoup de petits plugins.

Au fond, l’État aurait dû financer directement les développeurs des CMS qu’utilisent les médias en ligne. Il y aurait eu moins de déperdition et tout le monde y aurait gagné, des éditeurs aux blogueurs. Vous imaginez 60 millions pour l’Open Source. N’est-ce pas l’innovation qui était l’objectif de la subvention à la presse en ligne ?

Beaucoup de gens se moquent de ma prestation chez Arrêt sur image. Tout cela n’a aucune importance. Je ne suis pas une star de la télé et je m’inquièterais pour ma retraite si j’en étais une. Les quelques mots que j’ai fait dire à Pierre Haski suffisent pour me réjouir.

À quoi sert un débat, si ce n’est pas pour avancer sur quelque chose d’imprévu ? Nous ne sommes pas là pour donner une bonne image de nous ou plaire. Mais pour nous pousser hors de notre zone de confort, et peut-être faire avancer d’un millimètre un de nos interlocuteurs. Vous regardez trop la télé. Oubliez ses codes (tout le monde propre sur lui, souriant, se contrôlant… ou fondant dans des émotions elles aussi contrôlées). Revenez dans la réalité charnelle, dans cette réalité imprévisible. Caméra ou pas, je suis toujours au bistrot du coin. C’est ça le Web ! Je ne tourne jamais la casquette qui est sur ma tête, où que je me trouve.

Ces quelques mots lâchés publiquement par Pierre Haski, peut-être à cause de moi, ne peuvent qu’attirer l’attention sur l’attitude de Rue89 vis-à-vis de l’Open Source. Certains pourront s’amuser à évaluer sa coopération future au regard de la subvention reçue. Ce que personne n’aurait songé à faire si Pierre Haski n’avait rien dit. Ses mots l’engagent. Et il va devoir faire plus qu’avant : 250 000 euros !

En retour, peut-être que les autres pure-players qui courent après les subventions gouvernementales se sentiront en devoir de suivre Rue89, et par effet d’exemplarité Rue89 sera peut-être obligé d’aller plus loin… et ne pas se contenter de donner un coup de main à l’équipe Drupal.

Les banquiers nous ont habitués à s’emparer de l’argent public et de ne jamais le rendre. Les pure-players pourraient-ils donner l’exemple ? N’est-ce pas à des journalistes qui se présentent comme irréprochables de relever le défi ?

End of story.

Et une autre histoire commence, celle justement de l’argent public qui ne profite pas au public mais à des intérêts particuliers. Avec l’Open Source, nous voyons comment nous pourrions envisager des modes d’intervention étatique d’un nouveau genre. Toute subvention, quelle que soit l’entreprise, devrait être reversée en services, codes, infrastructures… utilisables gratuitement par nous tous pour que nous puissions à notre tour innover. Les artistes subventionnés devraient de même verser leurs œuvres au domaine public. Et ainsi de suite…