Dans Le peuple des connecteurs, j’avais montré que les gouvernements ne pouvaient pas faire grand-chose pour régler la crise de la complexité. Dans Alternative nomade, je pars du constat qu’ils ne font rien pour régler la crise climatique. En conséquence, si l’action directe sur l’ensemble de la société semble bouchée, tout au moins inefficace, il nous reste à user de notre liberté individuelle.

Ceux qui n’ont pas le courage de se remettre en question me répondent alors que j’ai une vision idéale des hommes, que je suis trop optimiste, que je place trop d’espoirs en notre capacité de nous réformer. Je crois au contraire que je suis plutôt réaliste.

1/ Je ne prétends pas que tous les hommes doivent se réformer en même temps comme par magie.

2/ Quelques hommes, par chance en situation favorable, effectuent le chemin, en éclaireurs. Ils découvrent une nouvelle façon de vivre. Ils n’imaginent plus faire marche arrière tant ils se sentent mieux. Ma proposition d’une alternative nomade est à ce stade élitiste si vous voulez puisqu’elle ne s’adresse pas à tout le monde.

3/ Ce qui ont réussi à changer inspirent d’autres hommes qui inspirent d’autres hommes jusqu’à ce qu’une masse critique soit atteinte.

Je viens de décrire un bootstrapping. Au cours de l’évolution, les changements se propagèrent toujours de cette façon puisqu’il n’y avait personne pour agir sur l’ensemble de la société (il serait prétentieux de négliger cette technique). Elle peut fonctionner si quelques personnes changent et si leur transformation leur profite.

Mais à quoi ressemble la société ? À quoi ressemble-t-elle pour vous ? Je vois trois grandes possibilités.

1/ Tous les hommes sont égaux et également libres.

2/ La plupart des hommes ne sont que des larbins imbéciles, des êtres imparfaits. Seuls quelques hommes savent ce qui est bon pour l’humanité. Seuls quelques hommes peuvent prendre notre destin en main.

3/ Aucun homme ne vit la même chose qu’un autre, aucun homme ne sait la même chose qu’un autre, la société est complexe, elle nous réserve le pire et le meilleur, le meilleur dans un domaine n’étant pas nécessairement associé au meilleur dans un autre.

La version 1, vous y croyez vraiment ?

La 2, je vois déjà des regards approbateurs. Si c’est votre cas, vous avez deux choix. Soient vous êtes larbin, soit seigneur. Annoncez la couleur que nous puissions en juger. Si vous êtes seigneur, alors engagez la transformation personnelle que vous voulez imposer à tous. Question de nous montrer de quoi vous êtes capables. Si vous en êtes incapables, assumez votre conservatisme.

Je penche plutôt pour la version 3. Pas de perfection ni d’imperfection absolu chez personne. Partout des défauts et des qualités. Parmi nous, certains réussissent à se transformer, parce qu’ils disposent des compétences appropriées au bon moment, aussi sans doute d’un peu de chance. Ils peuvent alors former les autres, participer au bootstrapping. Nous n’avons pas besoin d’une société parfaite pour qu’il se produise. Nous pouvons nous transformer peu à peu.

La transformation sociale directe de type constructiviste ou la transformation par bootstrapping exigent toutes deux que des hommes prennent le taureau par les cornes. Simplement, le constructivisme semble plutôt défaillant par les temps qui courent. Alors il nous reste le bootstrapping, un processus qui a effectivement débuté, qu’il faut promouvoir pour l’amener à franchir un seuil critique.