Du foot à la politique : la révolution est dans l’air

J’ai de vieux réflexes, des automatismes malsains, un peu comme le fumeur repenti qui, de temps à autre, en grille une en catimini. Je ne regarde plus la télé. J’ai perdu tout intérêt pour les choses qui y sont rabâchées au point de nous en donner le goût, de nous faire croire que nous les aimons. J’étais ainsi devenu fan de foot, malgré moi, en même temps que les autres, avec eux. Depuis plus de dix ans, je me suis soigné, mais, au moment de la coupe du monde, j’y reviens par nostalgie

J’ai regardé le lamentable match France-Mexique, plutôt le lamentable match de l’équipe de France, d’une tristesse à la hauteur de la grisaille de son entraîneur. Quand ça ne veut pas rire, ça ne rit pas. Il n’y a pas à épiloguer. En revanche, @la_ligne m’a suggéré une connexion intéressante.

Selon une découverte psychologique exposée par Dan Pink, la récompense financière n’est pas toujours une meilleure motivation possible. Pink voit deux cas de figure.

  1. Une tâche simple, pas-à-pas, répétitive : alors payer plus entraîne de meilleurs résultats.
  2. Une tâche complexe, qui exige de la créativité : alors payer plus n’implique aucun « improvement », pire on constate expérimentalement que les gens surpayés sous-performent.

Contre-intuitif ? Un dogme de la psychologie économique s’effondre. C’est tout un modèle de société qui part à vau-l’eau. Pas étonnant que nos stars surpayées soient d’une imbécillité crasse (et je ne parle pas que des footballeurs).

On peut bien sûr s’interroger par rapport au football. Les joueurs se trouvent-ils dans la première ou la seconde situation ? J’ai toujours estimé qu’ils devaient être dans la seconde, du côté de la créativité. Il n’est donc pas surprenant de voir ce jeu se déliter peu à peu, perdre toute espèce d’intérêt, de devenir de plus en plus mécanique, pas à pas… la rémunération excessive des joueurs les pousserait à ne faire d’eux que des répétiteurs besogneux (ce qui engendre des supporters tout aussi prévisibles).

Si nous voulons revoir un jour du beau jeu, nous devons alors cesser de payer de plus en plus les footballeurs. Mais cette règle s’applique à tous ceux qui devraient être un tant soit peu créatifs, c’est-à-dire la plupart d’entre nous dans une société hautement technologique. Je pense notamment aux grands patrons, aux politiciens, aux artistes…

Si nous voulons innover, résoudre les maux du monde, nous devons bâtir un socle social qui ne repose pas sur l’argent. Un dividende universel suffirait bien à nous combler, pendant que nous nous vouons avec passion aux tâches les plus vitales pour l’humanité. Seuls les hommes et les femmes effectuant des tâches besogneuses devraient être surpayés. Il faudrait inverser la pyramide.

PS1 : Ce texte est la conséquence de ce que j’appelle dorénavant la cyborisation. 1/ Je reçois un mail qui pointe vers une vidéo de Dan Pink. 2/ Au retour de vacances, je regarde la vidéo, la diffuse sur mon blog. 3/ @la_ligne réagit sur Twitter. 4/ Cela m’incite à écrire un billet et à introduire ces réflexions dans mon nouvel essai sur la cyborisation… La boucle créative s’est ouverte (et personne n’est payé dans cette histoire).

PS2 : Avant la transition vers le monde des cyborgs, tant qu’on reste englué dans le vieux paradigme, cette découverte exposée par Dan Pink sera utilisée par tous les exploiteurs pour justifier de moins payer les gens… alors qu’elle devrait nous aider à revoir notre organisation sociale.

PS3 : Un salaire élevé n’a jamais empêché Zidane d’être génial. Aucune étude comportementale ne peut être généralisée à chaque homme.

PS4 : Ce billets renvoie aussi à cette idée que les créateurs ont rarement réussi à vivre avec les revenus direct de leurs créations.