Des livres vous attrapent dès les premières pages et ne vous lâchent plus. L’auteur peut alors faire ce qu’il veut de vous, vous le suivrez, même dans des endroits où vous ne vous seriez jamais aventurés de vous-mêmes. Plus rien ne vous paraît ennuyeux, aucune longueur ou parenthèse ne vous est insupportable.

De tels livres sont rares. Le rire d’Olga de Lilian Bathelot appartient à cette catégorie. Il débute par un prélude durant la guerre civile espagnole, mystérieux, incompréhensible, puis jaillissent la lumière et Olga, et son rire, et son insolence et on n’a plus envie de la quitter.

Lui dire que chacun de ses gestes, sa moindre intonation évoquent la dignité naturelle des humains libres, tout entiers avec eux-mêmes.

C’est une histoire d’hommes et de femmes libres qui s’aiment au premier instant et qui se séparent aussi vite. Une histoire que nous avons peut-être tous vécu. Quatre narrateurs se succèdent dans ce quatuor impossible, deux hommes deux femmes, jusqu’à ce que le début incompréhensible s’éclaire.

Pourquoi parler aujourd’hui du Rire d’Olga, publié en janvier 2003 ? Tout simplement parce que j’ai croisé Lilian. Un autre ami écrivain, Antoine Barral, m’avait donné rendez-vous au Festival International du Roman Noir à Frontignan, à deux pas de chez moi où je n’avais jamais mis les pieds.

Quand je rencontre un auteur, je lui demande toujours ce que je devrais lire de lui en priorité. Lilian a hésité. Antoine m’a dit Le rire d’Olga, Lilian a alors dit qu’il le classait en second après son tout dernier roman, L’étoile noire. Comme je n’achète qu’un livre pour goûter un auteur, j’ai opté pour l’éprouvé.

Vous allez peut-être m’accuser de ne plus être objectif. Avoir parlé avec l’auteur aurait affecté mon jugement. Non. Ce jour là, à Frontignan, j’ai croisé d’autres auteurs, j’ai acheté d’autres livres qui me sont tombés des mains. Je n’en citerai qu’un pour ne pas me faire trop d’ennemis : Les cœurs d’échiquetés d’Hervé le Corre. Un livre pourtant primé par la critique qui commence avec une belle écriture et qui après trois pages aligne les clichés policiers à forte dose d’horreur auxquels je n’ai eu aucune envie de croire tant elles sont réalistes… et plates et loin de l’esprit de liberté réveillé par Lilian. Entre un livre d’esclave et un livre de saltimbanque mon cœur à moi n’hésite pas une seconde.